Depuis que le jeu vidéo rivalise enfin (et pour de vrai) avec le septième art, nombreuses sont les productions à avoir opté pour les aventures à forte portée narrative, minimisant le plus possible le gameplay pour tendre vers le cinéma interactif. Ainsi, avec l’arrivée des consoles en haute définition, certains studios ont tenté d’offrir aux joueurs des expériences incroyablement immersives, un certain Quantic Dream en tête, avec notamment Heavy Rain, Beyond: Two Souls ou encore Detroit: Become Human. Cependant, un jeu d’horreur de la même génération est encore meilleur dans son genre : Until Dawn, une exclusivité PS4 sortie en 2015, et qui a droit aujourd’hui à une version revisitée et améliorée sur PS5.
Écrit par : Antistar
À la fin des années 2000, avec la puissance phénoménale de la PS3, Sony entame une véritable mue : terminés les jeux colorés pas réalistes et les platformers à mascotte, il est désormais temps de profiter du support blu-ray et d’offrir des expériences d’action-aventure rivalisant avec le cinéma. De quoi confirmer les promesses de God of War, nouvelle licence arrivée en fin de vie de la PS2, et dont les intentions visuelles étaient très claires. Le virage radical de PlayStation est amorcé en premier lieu du côté de Naughty Dog, qui après les licences Crash Bandicoot et Jak & Daxter se lance dans le third-person shooter à haut niveau de réalisation, et aux enjeux scénaristiques forts, avec la licence Uncharted. Mais si ce type de production tend à se généraliser chez Sony, les jeux d’action-aventure à la troisième personne de l’éditeur restent quand même très ludiques, et ne misent pas sur leur portée narrative au détriment du gameplay.
Ce choix, c’est Quantic Dream qui va le faire en 2010, avec un Heavy Rain plutôt clivant, mais dont le monde saluera l’incroyable niveau d’immersion. Dans ce polar interactif, si l’on dirige bien des personnages avec un joystick dans un environnement en 3D, il n’est ni question de sauter, tirer ou se battre. Ou alors, on le fait avec des quick time events (abrégés en “QTE”), à savoir en appuyant sur le bouton affiché à l’écran pour déclencher une action spécifique du personnage pour faire progresser ce qui ressemble à une cinématique géante dont les protagonistes peuvent agir différemment selon le choix du joueur. Le studio français reproduira l’expérience de façon encore plus jusqu’au-boutiste en fin de génération, avec Beyond: Two Souls en 2013, pour un résultat qui divisera encore plus tant la négation du gameplay est totale.
Cependant, cette nouvelle mode a fait des émules, et si d’autres studios se sont spécialisés dans les jeux narratifs avec une direction artistique assez peu réaliste (comme Telltale), certains ont vu en Quantic Dream et ses œuvres une forme d’inspiration, avec pour objectif de faire encore mieux. C’est ainsi qu’en 2015, le studio Supermassive Games, jusqu’ici cantonné aux contenus additionnels de LittleBigPlanet chez PlayStation, publie son premier vrai gros jeu complet : Until Dawn. Initialement présenté à la gamescom 2012, il devait sortir en 2013 (en fin de vie de la PS3 donc) en exploitant le PlayStation Move, et se présentait sous forme d’un survival-horror en vue subjective. C’est finalement une aventure bien plus interactive (et cinématographique) qui en découlera, et surtout, une expérience bien plus équilibrée et moins clivante que les références du genre signées Quantic Dream.
En effet, là où les créations de David Cage avaient tendance à trop se prendre les pieds dans leur propre tapis, entraînant des incohérences aux allures de trous noirs absolus dans certains cheminements narratifs, Until Dawn va davantage à l’essentiel. Bien que porté par le même principe de gameplay (du déplacement, de l’exploration façon point & click, et de l’action gérée exclusivement à coups de QTE), le titre de Supermassive Games témoignait d’une maîtrise assez surprenante de son sujet, et constituait fin 2015 une des premières exclusivités inédites vraiment notables d’une PS4 qui, au bout de deux ans, en manquait encore un peu (exception faite du fantastique Bloodborne).
Non seulement Until Dawn redéfinissait avec brio les contours d’un genre encore un peu bancal et maîtrisé par très peu de studios (pour ne pas dire aucun), mais il trouvait en outre le moyen de taquiner les références du survival-horror, grâce à une ambiance plus effrayante que son étiquette de teen-movie interactif ne le laissait supposer. Il en résultait alors un jeu vraiment efficace, surprenant, et surtout très flippant. Ce qu’aucun n’était parvenu à faire aussi bien jusque-là. Certes, depuis, Quantic Dream s’est racheté avec l’expérience très réussie que constituait Detroit: Become Human (toujours sur PS4, en 2018), mais à l’heure de faire le bilan des deux premières générations de consoles HD chez Sony, une évidence s’imposait : Until Dawn n’a jamais vraiment eu d’égal dans son genre. Ce n’est du coup pas surprenant de le voir de retour, près d’une décennie après sa sortie, sur une console qui manquait tout simplement de titres de cet acabit.
Alors que la PlayStation 5 se rapproche (déjà) de sa quatrième bougie, force est de constater qu’elle manque un petit peu de titres “à la Quantic Dream” comme ses grandes sœurs en ont tant connu, de Heavy Rain à Detroit: Become Human, en passant par Beyond: Two Souls ou… Until Dawn. C’est justement ce dernier qui aura les honneurs d’un remake PS5 en ce mois d’Halloween, et ce n’est que justice : probablement pas assez connu du grand public, Until Dawn est non seulement un excellent jeu narratif, mais aussi un survival-horror qui saura vous prendre aux tripes comme jamais. Il était temps que la console accueille ce classique méconnu, à venir le 4 octobre, et que de nombreux joueurs découvriront certainement avec autant de plaisir… que d’effroi.