Vous n'êtes pas sans savoir que tout récemment, la Nintendo Switch a accueilli une nouvelle petite merveille du nom The Legend of Zelda: Echoes of Wisdom. On vous suggère de vous y plonger le plus vite possible pour la simple et bonne raison que c'est excellent et pour une fois, la princesse à sauver (Zelda, quoi) n'est plus à sauver : c'est elle que l'on contrôle. Dieu merci, on n'en pouvait plus…
Ecrit par : Max Cagnard
Non content de proposer de nouveau une formule "à l'ancienne" avec une vue du dessus, Nintendo a aussi réalisé un fantasme de joueur qui commençait à dater : dans Echoes of Wisdom, on contrôle Zelda qui doit sauver Link et plus l'inverse. Enfin, la firme de Kyoto s'est dit que le cliché de la princesse à délivrer devait cesser. Bon, on ne va pas non plus leur jeter la pierre puisque entre tous les jeux de la série, mais aussi tous les Super Mario, on a quand même sacrément pris notre pied avec pléthore d'excellentes aventures. Mais peut-on revenir cinq minutes sur cette manie de l'industrie à nous imposer un personnage à secourir ?
Main dans la main, pour le meilleur et souvent pour le pire
En fait, on ne parle même pas d'une princesse kidnappée à délivrer - parce que bon, il aurait été tout de même assez odieux de ne pas lever le petit doigt - mais surtout de cette habitude récurrente à se coltiner un personnage plus faible que vous, incapable de se défendre et qui vient vous mettre des bâtons dans les roues sans faire exprès. Bon Dieu, rien qu'à en parler, notre sang ne fait qu'un tour.
Vous voulez un premier exemple ? Dans Metal Gear Solid 2 déjà, en 2001, ce bon vieux Raiden devait assurer la protection d'Emma Emmerich pendant tout un passage. Quelle. Horreur. Certes, elle est dans le dur, mais devoir lui tenir la main pendant qu'elle marche à 0,2 kilomètre à l'heure (on a compté) alors que le jeu nous propose d'incarner un soldat d'élite, c'était une hérésie. Bon, on était prêt à passer l'éponge, mais c'était sans compter sur d'autres softs qui ont mis la barre bien plus haut. Comme Ico.
On sait, on sait : il s'agit là aussi d'une sacro-sainte production vidéoludique, parmi les meilleures et les plus touchantes de la PlayStation 2. En fait, tout le principe repose même sur cette fille à protéger alors que nous ne sommes dotés… que d'un misérable bâton. Aussi bonne l'aventure soit-elle, il faut quand même bien avouer que cette mécanique en a repoussé plus d'un, bridant l'accessibilité du jeu et alourdissant l'inertie du personnage manette en main.
Douloureux souvenirs
Vous voulez qu'on aille droit au but ? Très bien, trois mots suffisent : Resident Evil 4. Et pour le coup, c'est un fait connu : Ashley, la fille du président des États-Unis d'Amérique que l'on doit sauver, est un ÉNORME boulet qui a fait s'arracher les cheveux de plus d'un joueur. La réputation de cette jeune femme est terrible : elle nous ralentit, crie absolument tout le temps, se prend des coups de râteau dans la tronche et provoque des game over. Le pire dans tout ça, c'est que dans les cinématiques ou les phases où elle se retrouve toute seule, elle se porte à merveille et parvient miraculeusement à survivre face à une horde de prêtres et de paysans possédés. Capcom s'est bien fichu de nous.
Alors attention, toutes les "princesses" à sauver ne sont pas inutiles. Dans le reboot de Prince of Persia en 2008 par exemple, Erika est tout simplement la personne qui nous empêche de mourir à chaque fois qu'on rate un saut en nous rattrapant par la main - on peut clairement la remercier pour ça. Dans BioShock Infinite, Elisabeth est pour le coup une guerrière dont les pouvoirs dépassent de loin les nôtres. Dans The Last of Us, Ellie se dégourdit au fur et à mesure et parvient quand même à envoyer quelques bastos dans le crâne des méchants. Et ça fait du bien. Il n'empêche que cette dernière a tout de même fait son lot de petites gaffes en se faisant repérer par les ennemis ou en faisant n'importe quoi, ce qui a eu le don d'en énerver plus d'un…
Protect and Serve, vraiment ?
La palme revient peut-être aux jeux A Plague Tale, où Amicia doit protéger coûte que coûte son petit frère Hugo. Un môme malade. Apeuré. Incapable de se défendre. Bon, sauf les fois où il pète un plomb et qu'il déverse un tsunami de rats sur un village français déjà frappé par la guerre et la maladie (merci pour les habitants restants), mais quand même. En fait, la mécanique du personnage à protéger et qui nous empêche d'avancer a probablement été tant exploitée que la lassitude, voire l'agacement d'office à cause d'une IA aux fraises, est palpable en 2024.
Est-ce réellement un vecteur de stress et d'engagement ? À quel point la protection constante d'une figure scénaristique sert positivement au gameplay ? Le problème, c'est que cet équilibre est très délicat à trouver et c'est d'autant plus vrai quand le jeu s'appuie, de base, sur une jouabilité nerveuse et permissive. Et quand c'est mal fait, même si ça dure un petit passage, ça a de quoi traumatiser un gamer pour la vie. Bon, on exagère peut-être, mais vous voyez le topo et l'on en vient à une conclusion qui vaut aussi pour la vie de tous les jours : parfois, il vaut (vraiment) mieux être seul que mal accompagné.