Peinant à se forger une identité dans les deux premiers volets, Thor a trouvé sa voie sous l'impulsion de Taika Waititi, réalisateur de Ragnarok et Love and Thunder. Celle d'un super-héros drôle, un peu loser et régulièrement placé dans des situations où il n'est pas à son avantage.
En avril dernier, nous en avons eu la confirmation : « Fat Thor » n'est plus. Dans la première bande-annonce de « Thor : Love and Thunder », la divinité nordique abandonne son costume de super-héros dépressif, bedonnant et sombrant dans l'alcoolisme aperçu dans « Avengers : Endgame ». En pleine introspection avant une nouvelle aventure cosmique, le héros campé par Chris Hemsworth entame un programme de remise en forme à base de jumping jack, battle rope et tractage de vaisseau spatial.
L'esthétique Waititi
Mais les premières images du long-métrage, dont la sortie en salles est prévue le 13 juillet en France, n'ont pas manqué de relancer le débat sur sa prise de poids. Était-ce vraiment nécessaire de lui ajouter des kilos pour illustrer son mal-être ? Selon l'acteur, la réponse est oui. Lors d'une interview accordée à Variety, il admet même avoir insisté auprès des Frères Russo pour que le personnage conserve ce physique de « Lebowski Thor » (référence au « Dude » bedonnant et procrastinateur des Frères Cohen) pendant toute la durée d'Endgame. La raison ? Parce qu'elle montre, selon lui, une nouvelle facette du personnage, qui ne cesse d'évoluer au fil de ses apparitions à l'écran. « J'adore cette version de Thor, rappelle-t-il. Il est vulnérable et nous n'avions jamais vu cette facette de sa personnalité auparavant. Il traverse une période difficile et cela s'exprime physiquement ».
Ce n'est pas la première fois que l'évolution du « viking de l'espace » surprend. En réalité, sa mue a commencé dès le milieu des années 2010, après la sortie de deux premiers volets – Thor (2011) et Thor : Le Monde des Ténèbres (2013) – qui n'ont pas vraiment passionné les foules. Mais pourquoi, au juste ? Car à l'époque, le super-héros peine à se forger une identité dans l'univers cinématographique Marvel (MCU). « Plus lourdingue que Hulk, moins drôle que Daredevil, plus macho qu'Iron Man, moins mûr que Spider-Man, Thor n'est pas de bonne compagnie » résume, catégorique, un journaliste du Monde dans sa critique du premier volet. Pour inverser la tendance dans le sequel, Marvel se met en quête d'un réalisateur capable d'ajouter une dimension comique au personnage, souhait partagé par Chris Hemsworth. Son nom ? Taika Waititi. Un néo-zélandais relativement peu connu du public en dehors de « Vampires en toute intimité », un mockumentary présenté lors du festival Sundance en 2014. « [Marvel] souhaitait que [le prochain film] marque une rupture avec ce qu'ils avaient fait auparavant » se souvient-t-il auprès du Hollywood Reporter. Rupture il y aura.
Mockumentary, autodérision et appropriation
Pour préparer les fans à la transition, Taika Waititi commence par une série de faux documentaires baptisée « Team Thor » et disponible en ligne. Dans ces courtes vidéos qui débutent en marge des événements de « Captain America : Civil War », on suit l'acclimatation du super-héros à sa nouvelle vie en Australie. Devenu colocataire de Darryl, un employé de bureau terriblement lambda, Thor ne sauve plus l'humanité. Il galère à payer son loyer, se fait ghoster par les autres Avengers et refuse catégoriquement de se trouver un job. Bref, il abandonne son costume de mâle alpha pour celui d'attachant loser, toujours capable de fulgurances mais surtout de – beaucoup – d'autodérision. Un ADN conservé dans Thor : Ragnarok, dévoilé en 2017 et qui reste, aujourd'hui, l'un des films Marvel les plus appréciés des fans, recueillant plus de 93% de critiques positives sur Rotten Tomatoes. Alors qu'étrangement, le film s'inspire très peu des comics. « Je voulais m'approprier la franchise, rembobine Taika Waititi. J'ai donc ignoré le matériau d'origine et même les deux premiers films et j'ai tenté de faire mon propre truc ». Et visiblement, ça a fonctionné.
Reste à savoir comment le réalisateur néo-zélandais fera (encore) évoluer son personnage dans ce quatrième volet, qui a réalisé le meilleur démarrage de la franchise au box-office américain. C'est plutôt bon signe, en général.