De Suikoden à Zelda, de nombreuses licences nous ont habitués à incarner un personnage totalement mutique. Avec la sortie de Suikoden 1&2 Remaster DayOne Edition, on s’est posé une question assez simple : pourquoi ?
Dans Suikoden 1&2 Remaster DayOne Edition, on prend les commandes de Tir McDohl et de Riou, les leaders de la rébellion. S’ils sont jeunes et solides au combat, ils ont aussi un autre point commun : ils ne parlent pas. Gérer 108 compagnons de guérilla et ne pas lâcher deux mots, c’est quand même assez cocasse. On peut toujours dire qu’ils sont sérieux, concentrés sur leur mission et que leurs potes parlent à leur place, mais ça reste troublant. Au cinéma, dès que la possibilité d’ajouter du son à l’image s’est présentée, le cinéma muet a disparu (oui, on sait Jean, tu as eu un oscar pour The Artist, mais ce n’est pas le sujet). Dans les jeux vidéo, de DOOM à Half-Life en passant par Bioshock, les protagonistes muets sont toujours à l’ordre du jour, et il y a plusieurs très bonnes raisons à cela.
Le summum de l’immersion
Premier avantage d’incarner un clown triste, cela aide grandement à l’immersion. Ici, pas question d’être décontenancé par les déclarations de notre héros, s’il ne parle pas ou très peu, il est beaucoup plus simple de s’identifier à lui. Que le jeu soit destiné au grand public ou pas, presque n’importe quelle personnalité peut se sentir représentée en jeu. De plus, pour les développeurs, ça réduit grandement le nombre de répliques qu’ils doivent écrire. Déjà que 108 personnages jouables, ça fait beaucoup, s’il avait en plus fallu donner 4 options de réponse au héros à chaque dialogue… tout Konami aurait fini en burnout carabiné.
Surtout, moins on parle, et moins on risque de déraper et de perdre en charisme. En étant muets ou presque, nos héros passent pour des rois de la prestance qui préfèrent réfléchir et anticiper plutôt que de se perdre en explication. Si tu n’es pas d’accord, on t’invite à visionner la vidéo suivante et à nous dire si c’est ta version préférée de Link.
Dans pas mal de jeux, on imagine assez mal notre bonhomme prendre la parole. Que dirait Gordon Freeman au G-Man si ce n'est : “Y a quoi dans ta malette ?” Ou le Doomguy face à des hordes de démons ? La prise de risque est trop grande pour un apport assez faible. Dishonored et Dead Space ont bien passé l’obstacle d’un jeu à l’autre en castant des acteurs pour la suite de leurs licences (avec succès), mais les dérapages sont toujours possibles, il suffit de poser la question à Tidus (qu’on adore) dans Final Fantasy X (et oui, on sait qu’il se force à rire alors qu’il est triste, mais ça reste… particulier).
Plus de place à l’interprétation
Si on prend l’exemple de Suikoden 2, le mutisme de Riou permet aux joueurs d’imaginer ses motivations comme ils l’entendent. Certains pensent qu’il a un côté pacifiste, d’autres le voient comme un John Wick du J-RPG. Il en va de même dans Dishonored, on peut choisir d’être hyper agressif et meurtrier comme de ne faire aucune victime, modifiant drastiquement l’histoire, mais aussi le ressenti que l’on a de Corvo Attano.
De toute façon, comme Suikoden 1&2 nous permettent d’être accompagné de 108 collègues, être vocal ne ferait qu’empirer les choses. Est-ce qu’on a réellement envie d’intervenir lorsqu’une partie de nos acolytes commence à se marier entre eux et à se prendre la tête pour un oui ou pour non ? Est-ce qu’on voulait vraiment discuter du beau temps avec Mukumku et sa team d'écureuils volants ? Mieux vaut rester concentré sur l’objectif final, garder sa langue dans sa poche et rétamer les puissants corrompus.
Suikoden 1&2 Remaster DayOne Edition est disponible sur Xbox Series.