Derrière les éclaboussures, les traits adolescents des personnages et son style pop-punk, Splatoon dépeint un monde apocalyptique, rythmé par la montée des eaux et une guerre de territoire qui fait (littéralement) couler beaucoup d'encre.
« L'apparence d'un personnage doit s'accorder à sa fonction ». Ce conseil soufflé par Shigeru Miyamoto, Hisashi Nogami ne l'a pas oublié. Il lui apparaît même, des années plus tard, comme une évidence. En 2013, le producteur planche sur la conception d'une nouvelle licence pour Nintendo, firme désireuse de renouveler son offre avec la sortie de la Wii U. En interne, une soixantaine de projets sont épluchés, analysés et testés mais Hisashi Nogami a un chouchou : un jeu de tir à la troisième personne, en quatre contre quatre, où l'objectif est d'asperger les adversaires. Problème : le prototype, encore au stade embryonnaire, se démarque par la présence de personnages à l'apparence, disons, surprenante. « Il y avait un élément blanc et une chose noire qui avaient la forme de blocs de tofu. Ils projetaient de l’encre et devaient s’emparer du terrain adverse » s'amuse-t-il lors d'un « Iwata Demande ». Après avoir brièvement envisagé d'utiliser les personnages de l'univers de Nintendo, puis des lapins pour leur côté « espiègle qui convient à l'univers », il applique finalement les préceptes du maître. Les héros de Splatoon seront mi-céphalopodes et mi-humanoïdes afin de coller au concept. « On a décidé que le joueur pouvait passer de la forme humaine à celle de créature à encre, et cela a résolu tous nos problèmes, confirme Shintaro Sato, père du prototype. Quand on s’est penchés une nouvelle fois sur la nature des personnages… on s’est dit : Il faut que ce soit des calamars ». La base est actée. Reste à lui accoler une histoire cohérente.
L'ombre du réchauffement climatique
Car si l'équipe de développement a pondu des personnages emblématiques du catalogue et leur a imaginé une « backstory » crédible, elle n'a pas été missionnée pour cela à l'origine. L'accent a toujours été davantage mis sur le gameplay que sur les Inklings ou les Octariens. « Notre mission ne consistait pas à créer un nouveau personnage. Nous devions seulement créer un jeu doté d’une structure innovante » rappelle le producteur. Satoru Iwata, ex-président de Nintendo décédé en 2015, abonde dans son sens. « Quand [Shigeru] Miyamoto et l’EAD créent des jeux, l’idée ne vient pas du visuel, mais de la fonction. Le visuel ne vient que dans un second temps » précise-t-il. Résultat : ils se posent plusieurs questions existentielles sur les protagonistes principaux et leurs rivaux historiques. Comment sont-ils arrivés là ? Pourquoi s'affrontent-ils ? Quel est leur objectif ? De ces interrogations naît un univers sombre, presque apocalyptique et touché par la crise climatique. Bien loin de l'étiquette pop et colorée qu'on accole, de prime abord, au jeu. « Nous avons une phrase pour cela au Japon : Dark Nintendo ou le côté obscur de Nintendo, explique le producteur à Gamespot. Nous ne souhaitons pas nécessairement créer des jeux sombres, mais nous voulons qu'ils soient crédibles ».
Dans Splatoon, la situation est la suivante : l'humanité s'est éteinte il y a approximativement 12 000 ans, conséquence de la crise climatique et de la montée du niveau de la mer. Il faut attendre des milliers d'années avant qu'une nouvelle forme de vie émerge : les Inklings. Cette espèce, mi-calamar mi-humanoïde et capable de se transformer à sa guise, migre sur la terre ferme et s'enlise dans une guerre de territoire pour en conserver le contrôle. Accusant un retard technologique sur les Octariens, une forme évoluée de poulpes, les Inklings perdent, initialement, du terrain mais finissent par l'emporter. « Les Octariens ont été contraints de se retirer dans les dômes souterrains de l'Octa Vallée » nous explique le site officiel de Nintendo. Voilà pour le cadre, on évite de vous spoiler la suite. Pour connaître les tenants et les aboutissants, il faudra se plonger dans cette licence unique, dont le troisième opus a été dévoilé sur Nintendo Switch le 9 septembre.
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