All Out!, Captain Tsubasa, Blue Lock… Au Japon, (presque) toutes les disciplines ont eu le droit à leur adaptation en manga… Mais peu ont eu autant d’impact sur la pratique des japonais que Slam Dunk. Aujourd’hui, on revient sur la manière dont la mythique œuvre de Takehiko Inoue a changé l’histoire du basket dans l’archipel.
Le 12 décembre 2019, les Washington Wizards reçoivent les Memphis Grizzlies. Ce match à priori anodin de NBA, va pourtant rentrer dans l’histoire du basket américain. La raison ? C’est la première fois que deux joueurs nés au Japon s’affrontent l’un contre l’autre dans la prestigieuse ligue américaine. Ces deux joueurs, ce sont Rui Hachimura et Yuta Watanabe. Et sans le manga Slam Dunk, tout cela n’aurait peut-être jamais eu lieu.
Au pays du baseball et de Tsubasa
Japon, début des années 90. À l’inverse des Philippines, influencées par plusieurs décennies de présence américaine sur leur sol, de Hong Kong et de Taiwan, tous deux très tournés vers l’Ouest, le Japon ne connaît rien à la balle orange. En vérité, elle est presque inexistante. À l’époque, les jeunes se passionnent majoritairement pour le baseball (l’un des sports les plus populaires de l’archipel) et les aventures de Captain Tsubasa. Tu l’as compris, tout cela ne laisse que (très) peu de place au basketball qui est joué de manière assez marginale dans quelques écoles du pays.
Tout va changer grâce à un homme : Takehiko Inoue. Fan de panier-ballon, le jeune homme originaire d’Okuchi pratique la discipline au lycée et devient même capitaine de son équipe. Également passionné par le dessin, il se destine à une carrière de mangaka et s’envole pour Tokyo à la fin des années 1980 pour tenter d’y exercer son futur métier. Là-bas, il commence la rédaction de Slam Dunk. Il ne le sait pas encore mais son histoire de rebelle aux cheveux rouges qui se met au basket pour séduire une fille va changer sa vie et celle de milliers de jeunes japonais.
Un succès… inouï
En 1990 sort Slam Dunk, publié dans le fameux Weekly Shōnen Jump… Et c’est un succès immédiat. Entre 1990 et 1996, ce ne sont pas moins de 31 tomes qui paraissent et qui passionnent immédiatement les foules au Japon. Les raisons sont multiples… Et pas forcément évidentes.
Tout d’abord, Slam Dunk s’inscrit dans un sous-genre très populaire du shōnen nommé “Spokon”, centré autour du sport. Ensuite, Inoue, pour convaincre son éditeur de publier un manga sur un sport que personne ne connaît à l’époque, réussit un tour de force : mettre le basket au “second plan” et centrer son histoire sur les personnages. La narration, c’est ce qui fait la force du manga et c’est le principal levier utilisé par Takehiko pour captiver son lectorat. Résultat : pendant 6 ans, des millions de lecteurs vont se passionner pour les histoires de Hanamichi.
Sauf qu’en 1996, à la surprise générale, le mangaka prend la décision radicale d’arrêter définitivement le récit, estimant que l’arc narratif de ses personnages est arrivé à son terme. Cet arrêt va un peu plus faire entrer la publication dans la légende. Mais elle ne tombera pas dans l’oubli pour autant. Cosplays, figurines et gadgets en tout genre… Inoue le sait très bien, quand il s’agit de maintenir en vie un manga plusieurs années après la fin de sa publication, les japonais sont les plus forts.
Slam Dunk forever
Si la qualité de l'œuvre est en très grande partie responsable du succès de Slam Dunk au Japon, l’explosion du sport dans l’archipel est également une histoire de conjoncture. Pour rappel, nous sommes dans les années 1990 et la Dream Team américaine fait rêver toute la planète aux JO de Barcelone. Bref, entre MJ et Hanamichi Sakuragi, les petits japonais qui grandissent dans les années 1990-2000 se prennent une déferlante de balle orange en pleine tête… Et se mettent progressivement au basket.
Même si l’on ne comptait encore qu’une trentaine de playgrounds publics à travers le Japon en 2019, l’essor du basket au pays du soleil levant reste impressionnant. Clairement, il y a un avant et un après Slam Dunk. On peut voir des effets concrets : dans les écoles, c’est devenu l’une des principales disciplines pratiquées par les jeunes. Le nombre de licenciés a aussi augmenté. En 2010, il était de 590 000 (pour un pays d’environ 126 millions d’habitants, on le rappelle). Au niveau national, la ligue domestique est en plein essor et les meilleurs joueurs (à l’image de Watanabe et Hachimura) s’exportent en NBA. Les équipes nationales ont également bien progressé ces dernieres années. Chez les femmes, l’équipe nationale est par exemple quintuple championne d’Asie en titre et est parvenue à accrocher la médaille d’argent aux JO de Tokyo de 2020. Du côté des hommes, le bilan est un peu plus contrasté, mais l’équipe parvient tout de même à participer à 3 des 6 derniers championnats du monde.
Comme quoi, qui aurait cru que les histoires de cœur d’un jeune voyou roux mettraient la balle orange au milieu du drapeau du pays du soleil levant ?