Le sexe dans le jeu vidéo existe depuis presque aussi longtemps que le jeu vidéo lui-même. Mais au fil des années, et selon les pays, le sujet a évolué, tant dans son traitement que dans sa réception.
Vincent, un trentenaire ayant bien l’intention de ne pas devenir adulte, passe le plus clair de son temps au Stray Sheep, le bar du coin. Vincent est en couple depuis cinq ans avec Katherine (avec un K), mais celle-ci lui demande de grandir un peu. Vincent, une nuit d’ivresse, couche avec Catherine (avec un C), et cela le tracasse, il a des remords. Quand soudain, une troisième nymphe vient jouer les troubles-fêtes. Que faire ? Quelle femme, quelle voie choisir ? Et le sexe dans tout ça ? Telles sont les questions posées par Catherine Full Body, disponible depuis février 2019 au Japon et qui arrive enfin chez nous. Catherine Full Body, ou la relecture d’un autre jeu japonais datant de 2012 traitant très ouvertement du couple et de l’adultère. Des thématiques rares, pas simple à aborder.
Pourtant, depuis que le jeu existe, le sexe y est bel et bien présent. Et même, dans les années 70 et 80, sans réellement prendre la peine d’avancer masqué. Dès 1973, Atari imagine une borne d’arcade, Gotcha (ce qui signifie vaguement “chopé”), avec des paires de seins en guise de contrôleur (l’entreprise fera marche arrière avant commercialisation). En 1982, Custer’s Revenge, développé par la société Mystique et édité uniquement aux États-Unis sur l'Atari 2600, met en scène un cowboy dénudé qui doit traverser un écran en évitant une pluie de flèches pour pouvoir aller violer une jeune fille indienne nue attachée à un cactus. Horrible. Un immense succès commercial malgré tout. Dans X-Man, seul titre édité par Universal Gamex, un niveau bonus propose un rapport sexuel entre un homme et une femme. Le petit scandale de l’époque pousse le jeu à être vendu sous le comptoir. Et les exemples de ce genre sont légions, sans que personne ne trouve rien, ou finalement si peu à redire. L’industrie vidéoludique est encore jeune, tandis que ses joueurs, eux, ne sont pas encore considérés comme des gamins facilement influençables. Une autre époque.
Changement de ton
Puis arrivent les années 90. Le jeu vidéo devient… autre chose. Plus gros, plus populaire, plus scruté aussi. Parents et politiques veillent à préserver l’intégrité de nos chères têtes blondes. Les corps partiellement dénudés de Mortal Kombat, les stripteaseuses recouvertes de billets de banque de Duke Nukem, ça coince ! Mais, conjuguant violence et cul, c’est bel et bien le très mauvais Night Trap qui met le feu aux poudres en 1992, et assure la honte à la Mega CD de Sega (qui n’avait pas besoin de tant). Les femmes, ici en full motion video, sont matées, puis assassinées. Salement. En décembre 1993, un congrès est organisé sur le sujet du sexe et de la violence dans les jeux vidéo. 1994 voit la naissance de l'ESRB (Entertainment Software Rating Board), l'organisme américain qui évalue les jeux vidéo. En Europe, depuis 2015, le système PEGI (pour Pan European Game Information), comporte cinq catégories d'âge et huit descriptions qui informent du contenu d'un jeu. Mais tous les pays du monde ne sont pas égaux face au zizi. La Chine censure n’importe quelle scène de sexe, y compris de simple posters de femmes dénudées, quand les Japonais, eux, ont leur propre sous-genre. On parle de Eroge, mélange de Erotic et de Game. Une catégorie en vogue depuis les années 80 et les premières créations sur micro ordinateurs, la toute première entrée dans cette drôle de famille étant Lolita Yakyūken en 1982. Le principe ? Un strip Chifoumi, rien de plus, rien de moins. Quand on gagne, une femme grossièrement dessinée enlève un vêtement. Cependant, en matière de copulation et de jeu, tout n’est pas si grossier.
Un jeu comme Love Hotel, par exemple, vous permet d’interpréter le gérant d’un type d'hôtel très populaire au Japon que l’on peut réserver à l’heure ou à la nuit, en toute discrétion. Certes, le sexe y est secondaire, mais le propos (palier au manque de place dans les habitations japonaises, des familles entières s'entassant parfois dans quelques mètres carrés) est presque politique. Dans le jeu mobile Sex Adventure, développé par deux femmes, Kara Stone et Nadine Lessio, vous échangez des messages coquins avec une intelligence artificielle. Sexy, oui, mais plus encore : le jeu parle avant tout des relations, de leur évolution, de nos comportements. Enfin, rappelons une évidence : dans les Sims, on peut être homo, bi ou hétéro. Une possibilité qui fut d’abord envisagée, puis supprimée, avant de faire son retour sans que personne à l’époque ne s’en offusque. Pourquoi ? Sans aucun doute parce que justement, le jeu n’en fait pas grand cas. Les Sims sont le reflet de la vie et de la façon dont nous souhaitons la vivre, rien de plus. Une liberté qui ne va malheureusement pas de soi une fois la console éteinte.