Alors que Sony et Microsoft se disputent une course à la technologie depuis bien longtemps, Nintendo, lui, ne joue définitivement pas (plus) dans la même cour. Et pour se différencier, un seul mot d'ordre : la malice et l'ingéniosité. Prenons donc quelques minutes pour saluer la firme japonaise et sa merveilleuse manie à laisser libre cours à notre imagination. Comme dans les derniers Zelda, par exemple.
Ecrit par : Max Cagnard
On ne peut pas amputer à Nintendo sa volonté infaillible d’innover dans l'industrie. On lui doit bien des choses depuis les années 80, mais les années 2000 ont été particulièrement décisives : après s'être pris une énorme gifle commerciale avec la GameCube face à la toute-puissante PS2 (qui reste toujours la console la plus vendue de l'histoire), soit la seconde d'affilée avec la Nintendo 64 face à la PlayStation, Big N a choisi un chemin différent. Une décision de survie qui aura payé : alors que la bataille de la HD faisait rage et que l'on parlait d'une véritable course aux graphismes entre la PS3 et la Xbox 360, Nintendo sortait tranquillement la Wii, une machine ultra-conviviale, pour ne pas dire casual, avec une télécommande en guise de manette et une définition d'image en SD. Et ce fut un énorme banger avec plus de 100 millions de ventes.
Cet effort d'ingéniosité s'est définitivement inscrit dans l'ADN de l'entreprise : certes, la Wii U fut un échec cuisant, mais l'erreur était surtout marketing. La volonté d'apporter du neuf avec une manette-écran était intéressante et le concept s'est finalement développé pour donner naissance à la Switch, la deuxième console de salon la plus vendue de tous les temps. Largement moins puissante que ses concurrentes, pour ne pas dire carrément à la bourre en 2024, la petite bête s'appuie sur un concept nomade bien ficelé ; ses Joy-Con peuvent se séparer pour se transformer en deux manettes et il y a plein de petites choses qui ont conquis le cœur des joueurs.
Zelda au centre de l'innovation
Forcément, cela s'est aussi ressenti dans tous les jeux développés et édités par Nintendo. Quand votre console n'est pas assez puissante pour attirer l'œil du grand public et des amateurs de hardware, il faut ainsi se creuser la tête pour inventer des concepts qui sortent de l'ordinaire. Les derniers jeux Zelda en sont probablement les meilleurs exemples possibles : Breath of the Wild (d'abord sorti sur Wii U d'ailleurs, n'oublions pas) est sans doute celui qui a le plus bousculé les codes. Ici, Link est équipé d'une barre de stamina : il peut s'accrocher partout et escalader dans la mesure de son endurance, il peut planer sur d'immenses surfaces et surtout, il doit gérer son inventaire minutieusement, consommer des items et faire attention à ses armes destructibles. Son moteur physique est surtout le principal élément qui fait la différence : celui-ci s'avère particulièrement permissif, donnant la possibilité aux joueurs de s'amuser avec la gravité pour tenter de résoudre telle ou telle énigme ou affronter tel ou tel ennemi. Du jamais vu dans la saga.
Cette liberté a notamment permis à Breath of the Wild de s'imposer comme l'un des meilleurs jeux vidéo jamais faits, raflant tous les prix possibles et confortant Nintendo dans une idée précise : donner de l'indépendance aux joueurs, ça plait… et pas qu'un peu. C'était alors sans compter sur Tears of the Kingdom qui a carrément poussé tous les curseurs au maximum : alors que l'aventure se déroulait sur une carte assez similaire (ce qui avait d'ailleurs le don de provoquer certaines inquiétudes), le level design exigeait de tout-un-chacun de mettre les mains dans le cambouis, nouveaux pouvoirs à l'appui. On peut fusionner des objets et des éléments entre eux et on peut carrément assembler des items et des matériaux pour créer tout ce qui nous passe par la tête. Un bac-à-sable aussi libéré en plein Hyrule, c'est bien une première et il n'y a pas un moyen d'arriver à son objectif : il y en a des milliers. Sérieusement, des joueurs ont créé des voitures, des fusées, des véhicules complètement aberrants juste parce que c'était possible ! Zelda Tears of the Kingdom est un jeu unique en son genre et jamais Nintendo n'a laissé le joueur aussi libre de ses mouvements et de ses idées. Cela peut même en rebuter certains, mais l'initiative est louable puisqu'il n'est certainement pas question de s'asseoir sur ses lauriers, mais bien de pousser l'innovation malgré les limitations techniques d'une console déjà désuète à sa sortie.
Vers l'infini et au-delà
Pour aller de pair, The Legend of Zelda Echoes of Wisdom s'inscrit lui aussi dans cette dynamique, à l'inverse qu'il s'agit ici d'un retour aux sources avec une formule en vue du dessus, que l'on appelle plus communément les Zelda 2D (même s'il ne s'agit pas vraiment de 2D dans le cas présent). Tout d'abord, et c'est une grande nouveauté que l'on se plaît toujours à rappeler, mais le titre nous met ENFIN dans la peau de Zelda qui, cette fois-ci, va devoir sauver Link et le Royaume d'Hyrule tout entier. Et pour ce faire, notre chère princesse va trouver un sceptre qui lui permettra de récupérer et d'invoquer des "échos", soit des pouvoirs divers et variés. Par exemple, on peut créer une caisse en bois, une chauve-souris, une plante, un cube d'eau, une dalle volante, un nitropoisson (qui explose au moindre choc)... Il y a des dizaines et des dizaines d'échos à trouver, à amasser et à utiliser dans le but de résoudre des donjons et leurs casse-têtes. De plus, le joueur est tout à fait libre de compléter les niveaux dans l'ordre qu'il souhaite : chaque joueur aura donc une partie différente, récupérer des échos différents à des moments différents, et trouvera donc SON propre moyen d'arriver à ses fins. Encore une fois, et même dans une formule "en 2D" donc, Nintendo est parvenu à inclure la liberté de jeu des Zelda "en 3D" pour former un tout permissif et monstrueusement intelligent. Et franchement, chapeau.
Alors oui, tout ça pour dire que l'on a de quoi être ravis de la direction de la franchise, mais aussi de Nintendo tout court. Il n'y a pas que les aventures de Link qui s'appuient sur la liberté de gameplay : on peut aussi citer Super Mario Bros. Wonder par exemple qui, avec son système de badges, permet de revisiter tous les niveaux d'une façon différente et d'augmenter considérablement la rejouabilité. Il y a aussi les Super Mario Maker par exemple et peut-être qu'un jour, peut-être sur la prochaine machine de Big N, on pourra même créer nos propres circuits de Mario Kart. Avec Nintendo, le rêve est tout à fait possible.