Cela fait plus de 40 ans déjà que Mario s’est imposé comme LE personnage de jeux vidéo de référence. Entre polyvalence et longévité hors du commun, le plombier moustachu de Nintendo n’a pas vraiment d’égal en tant que mascotte de l’industrie, ayant pourtant moins de flow que Sonic, de charme que Lara Croft, de puissance que Kratos ou d’humour que Rayman. Mario est juste un “monsieur tout le monde” jamais à la mode, mais d’une efficacité incroyable, et pourtant, son petit frère Luigi est un personnage infiniment plus intéressant que lui, et sans doute même un meilleur héros de jeu vidéo. Voici pourquoi.
Écrit par : Antistar
Lorsque Nintendo offre un frère jumeau à Mario dès 1983 (sous forme d’un vulgaire “palette swap”), son intention est de faire un minimum de remplissage facile tout en favorisant le jeu à deux. Luigi n’est alors qu’un faire-valoir, et pourtant, il fait partie des deux premiers succès mettant en scène son frère, les bien-nommés Mario Bros. et Super Mario Bros. Des titres qui en disent long sur l’importance d’une fratrie, et non d’un héros certes davantage mis en avant. Le succès phénoménal du hit de plates-formes de la NES, paru en 1985, est certes surtout à mettre au crédit de l’aîné des plombiers originaires de Brooklyn, mais Luigi n’aura pas besoin de cela pour prouver qu’il est meilleur que son frère. La console a accueilli deux jeux radicalement différents intitulés “Super Mario Bros. 2”, l’un exclusif au Japon, l’autre paru en Occident et publié ultérieurement sur l’archipel sous le nom de “Super Mario USA”. Dans chacun des deux, Luigi y est jouable par le joueur 1 à volonté, et saute plus haut et plus loin que Mario. Dès la fin des années 1980, le cadet était le plus fort.
Avec l’émergence des jeux multijoueur mettant en scène les personnages de l’univers Mario, de Mario Kart à Mario Party en passant par une ribambelle de jeux de sports, Luigi n’a jamais été plus faible que Mario. Souvent clone de son frère, il bénéficie même parfois de statistiques plus avantageuses, et verra ses capacités de saut amélioré de nouveau mises en avant dans d’autres jeux de plates-formes, jusqu’au redoutable New Super Luigi U (sorti sur Wii U en 2013). Un titre publié dans le cadre d’une “Year of Luigi” célébrant explicitement les 30 ans de celui que l’on aime ironiquement surnommer “Mario vert”, parfaitement révélateur de l’importance de ce personnage aux yeux de Nintendo. Et ce fut loin d’être la seule célébration mettant à l’honneur le plus célèbre des seconds couteaux de l’histoire du jeu vidéo, puisque c’est également cette année que sortit Luigi’s Mansion 2 sur Nintendo 3DS. Tout sauf un hasard.
En effet, en 2001, Luigi eut l’immense honneur de figurer au lancement d’une nouvelle console Nintendo (la Game Cube) en tant que vedette d’un jeu portant son nom : le génial Luigi’s Mansion, jeu aussi impressionnant techniquement que rempli d’humour, et rendant Luigi plus attachant que Mario ne l’avait jamais été jusque-là en 20 ans de carrière. Même s’il a fallu attendre 12 ans pour voir ce hit enfin bénéficier de la suite qu’il méritait, Luigi a su prouver au monde entier qu’il disposait d’un charisme inégalable. Peureux et maladroit, mais doté d’un cœur gros comme ça, le plombier à casquette verte était devenu un héros malgré lui, et Nintendo l’a bien compris, orientant l’image publique de Luigi autour de nouveaux clichés incroyablement efficaces qui le rendent plus intéressant que Mario.
C’est bel et bien pour cette raison que Luigi’s Mansion a pris une telle importance par la suite aux yeux de Nintendo : les excellents chiffres de vente de la suite sur 3DS ont entraîné d’abord le développement d’un portage tardif du premier opus sur cette même console, et surtout, un troisième épisode inédit exclusif sur Nintendo Switch. Acclamé par la critique, Luigi’s Mansion 3 a réussi une performance assez folle : c’est officiellement le jeu d’horreur le plus vendu sur un seul et unique support, même devant le plus vendu de tous les Resident Evil. Nous n’avons pas peur d’affirmer que face à un tel succès, Luigi est autant un héros que Leon S. Kennedy ou Chris Redfield, et la manière dont il a su s’émanciper de son frère témoigne de sa capacité à être un héros bien plus accompli que lui.
Dans un registre différent, en 2003 paraissait sur Game Boy Advance un RPG mettant en scène les deux frères Mario à niveau égal : Mario & Luigi. Cette fois-ci, pas de notion de joueur 2 : Luigi est aussi important que Mario, et si la narration plus poussée offre enfin un minimum de personnalité à la mascotte de Nintendo, son frère cadet n’est pas en reste et constitue un héros tout aussi notable dans cette nouvelle aventure. La licence aura droit à quatre autres épisodes en dix ans sur les deux générations de consoles portables qui suivront (la DS et la 3DS), avant d’enfin revenir sur Switch en cette fin d’année. Et on ne va pas se mentir : Mario & Luigi n’est une saga qui fonctionne que parce que les deux jumeaux y sont traités de façon équivalente. Car Luigi est un héros, tout comme son frère, tout simplement.
Après 40 ans d’existence dans l’univers du jeu vidéo, Luigi n’a jamais été aussi populaire. Lié intrinsèquement au succès de la saga Super Mario Bros., dont il fait partie dès le titre, le petit frère de Mario a passé la moitié de sa carrière dans l’industrie à prendre son envol et témoigner d’une capacité indéniable à être un héros plus complet et plus intéressant à jouer que son aîné. Les Japonais le savaient dès 1986 et les Occidentaux dès 1988 : Luigi était plus fort que Mario, et même s’il est un peu moins courageux et poissard, il a su tirer parti de son côté poltron et malchanceux pour en faire son image de marque. Devenu un vrai héros aux commandes de sa propre licence, Luigi est un vrai héros, beaucoup plus intéressant que Mario, et il y a fort à parier que Mario & Luigi : L’Épopée Fraternelle en constitue une preuve supplémentaire.