Parfois, les plus grands génies de ce monde ont les inspirations les plus simples. Comme Shigeru Miyamoto, le grand responsable créatif de Nintendo, qui a inventé Pikmin en… rêvassant dans son jardin.
L’histoire de Pikmin débute à la fin des années 90, alors que Nintendo se penche sur le développement du GameCube. À ce moment-là, le visionnaire qu’est Miyamoto souhaite sortir des sentiers battus et proposer une expérience tout autre qu’un énième Mario. L’idée globale est d’y présenter de nouveaux personnages, couplés à un gameplay possiblement novateur. Pour ce deuxième point, le Japonais souhaite s’appuyer sur la célèbre démo “Super Mario 128”, dont vous pouvez retrouver les images un peu partout sur la toile. Dans ce petit bout démo on peut apercevoir la bagatelle de 128 Mario bouger en même temps. Du jamais vu en termes d’animation à cette époque. Avec cette idée, Miyamoto tient les premiers contours de ce que deviendra Pikmin. Reste à y calquer un concept, un univers et un gameplay avant-gardiste. Pour le nippon, l’étincelle créative viendra d’une scène quotidienne des plus banales.
Le Jardin d'Éden
Fort de cette idée encore très trouble, Miyamoto compose une équipe qui provient majoritairement du développement de Yoshi’s Story, sorti en 1998 sur Nintendo 64. Tout ce beau monde commence par imaginer un jeu dans lequel le joueur prend une place divine, se posant en observateur et en guide d’une flopée de personnages. Ce qui embrasse à merveille la vision de Miyamoto concernant la présence d’une centaine d’entre eux. Une première ébauche est réalisée, avec notamment la création des deux personnages, religieusement nommés Adam et Eve. Le développement de ce jeu sans nom avance, des mammouths et toutes sortes d’ennemis voient le jour, mais tout est remis en cause par le grand chaman de Nintendo. Résultat d’une nouvelle vision.
Alors que Miyamoto supervise les avancées du projet, il décide dans le même temps de reprendre en main quelques aspects de sa vie personnelle. Il raconte lui-même au Telegraph avoir "arrêté de fumer et de jouer au pachinko (une forme de jeu de hasard), s'être mis à la natation et avoir juré de passer plus de temps dans son jardin". Grand bien lui fasse, puisqu’un jour, alors qu’il se reposait dans son hâvre de paix comme prévu, il voit une rangée de fourmis passer devant ses pieds et s'éloigner dans l'herbe, portant des feuilles vers leur fourmilière. Puis il imagine pendant un instant - car c'est ainsi que fonctionne l'esprit de Miyamoto - à quoi la scène pourrait ressembler s'il s'agissait de petites personnes.
Ce qu’il explique : "Les fourmis, comme vous le savez, ont toujours un chef, ont tendance à porter des choses, et en se déplaçant, elles créent une sorte de rail", dit-il. "Et j'ai commencé à réfléchir à un jeu dans lequel de nombreuses petites personnes portent des choses sur une ligne, suivent un chef, et vont toutes dans la même direction”. Pikmin vient de naître, des pousses de son propre jardin d’Éden.
Un vent nouveau
Exit Adam et Eve : tout comme les fourmis qui n’ont qu’une reine, les Pikmins ne doivent suivre qu’un grand chef, à l’image de Miyamoto au sein de Big N. L’univers primitif voire préhistorique est également abandonné, tout comme l’idée de toute forme divine. Du jardin de Miyamoto naît une forêt, et de ces petites fourmis sont tirées les Pikmins tels que nous les connaissons. Ou presque, puisque, à la base, ces derniers sont tous de couleur noire. Mais vous connaissez l’amour de Miyamoto pour les teintes vives. Ces derniers ne peuvent rester aussi ternes, c’est ainsi qu’il est décidé qu’ils auraient des couleurs différentes, et donc, des aptitudes qui diffèrent aussi. Finalement, seuls les mammouths restent. Ou plutôt, un seul d’entre eux survit à la météorite Miyamoto. Et vous le connaissez bien puisqu’il s’agit du… Bulborb du jeu final, vestige d’un passé pas si lointain qui relègue ses congénères à l’état d’ossement souterrain.
Par la suite, l’accent est mis sur le désir d’intuitivité du gameplay. La multiplication des touches à utiliser est limitée, afin de convenir à tout type de joueur. Encore une fois, la simplicité est le maître-mot, comme cette vision jardinière du maître de Nintendo. C'est précisément la raison pour laquelle l'histoire de l'origine du jeu est si précieuse. Miyamoto s'est inspiré d'un cortège de fourmis, ce qui le fait passer pour un véritable cas particulier, alors que les autres concepteurs s’évertuent à suivre des idées souvent ubuesques et tirées par la tignasse. Quelle que soit la véracité de cette histoire, son travail parle finalement de lui-même. Surtout à l'heure de la sortie de Pikmin 3 Deluxe, 19 ans plus tard, alors que les plantes de Monsieur Miyamoto ont dû tout aussi bien grandir que sa série.