Oddworld, le projet fou imaginé par Lorne Lanning
Dossier
PUBLIÉ LE 12 mai 2020

Oddworld, le projet fou
imaginé par
Lorne Lanning

Crédit : Oddworld Inhabitants
Maxime L-G.
Maxime L-G.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 12 mai 2020

Oddworld revient petit à petit sur le devant de la scène. Après le remake du premier épisode, New ’n’ Tasty, La Fureur de l’Étranger ressort sur Nintendo Switch en attendant Soulstorm. Trois projets qui font partie d’une immense quintologie steampunk imaginée par Lorne Lanning.

Pour beaucoup, Oddworld est un univers avec lequel on a grandi, ou duquel on est extrêmement familier, sans pour autant réussir à vraiment se l’expliquer. Il faut dire que l’allure très modeste du titre, tout autant que son gameplay puzzle, n’en font pas un titre AAA qui scintille dans une campagne marketing puissante. Non. Oddworld est la petite note étrange, sucrée et salée, de la PlayStation. Celle qui a su perdurer, grandir, et que l’on doit à un esprit tout aussi fou que le jeu qu’il a fait naître : Lorne Lanning.

Observateur du monde

Le créateur américain ne vient pas d’une famille particulièrement aisée. Pourtant, son père était l’un des ingénieurs de la Colecovision, l’une des précurseurs des consoles de salon qui promettaient d’apporter l’expérience d’une arcade dans le foyer. Aussi, Lorne Lanning enfant a pu avoir un certain contact avec l’industrie du jeu vidéo qui à l’époque était encore naissante, et sentir l’inspiration venir. Enfant créatif, il intégrera dans ses études l’école des Arts Visuels de New York, mais cela ne l’empêchera pas pour autant d’enchaîner les petits boulots pour subvenir à ses besoins. C’est justement de ces petits boulots qu’il tirera sa plus grande inspiration créative.

Crédit : Venturebeat

Diplômé dans l’animation, Lorne Lanning cherche avant tout à faire des films. Sa plus grande inspiration aura été Star Wars, non seulement pour le monde qu’il a pu créer, mais aussi son message spirituel. Il commence déjà à imaginer tout l’univers qui deviendra Oddworld, et le conçoit comme une quintologie de films ayant des personnages très différents mais dont le message lie l’ensemble. C’est en travaillant au sein du studio hollywoodien Rhythm & Hues qu’il rencontre la productrice Sherry McKenna, et lui pitche son idée. Mais comment trouver les fonds pour investir dans un projet audiovisuel aussi ambitieux ? Pour Lorne Lanning, c’est très simple : il suffit d’en faire des jeux vidéo ! C’est ensemble qu’ils fondèrent Oddworld Inhabitants en 1994 et se mirent à travailler sur leur premier jeu : Abe’s Odyssee.

Doux et amer à la fois

Mais quel est le message que Lorne Lanning veut absolument faire passer dans cette quintologie mystérieuse ? Pour le comprendre, il suffit d’analyser quelque peu Abe’s Odyssey. Il y a déjà le premier message, assez évident : on y contrôle Abe, sympathique et avenant... esclave à la solde d’une grande corporation de l’agroalimentaire. Lorsque ce dernier se rend compte que ses congénères et lui-même sont la matière première de la nourriture qu’ils aident à créer, il tentera de fuir sa servitude et de sauver un maximum de ses compatriotes du même temps. Le message anti-capitaliste se pose là, tout autant que la critique de la globalisation de notre monde. Mais il y a plus encore. Abe déjà est un avatar qui se veut représenter tout le monde et personne à la fois, effaçant ainsi la moindre notion d’origine pour que tout un chacun puisse se l’approprier. Il est contrôlé par le joueur à la troisième personne, le poussant ainsi intégrer un rôle de superviseur, de guide. Et il s’adresse à ses congénères avec des petits ordres vocaux mignons, « Hey », « Wait », qui ont été intégralement designés afin de vous pousser… à l’empathie.

Crédit : Oddworld Inhabitants

Le sort de ces créatures vous est non seulement échu, mais le moindre mal que vous leur faites subir vous brise le cœur. Il faut dire que les Mudokon (la race officielle d’Abe) ne sont que douceur et tendresse ; difficile de les voir périr sans compatir. Lorne Lanning a mis un point d’honneur à ce que ces derniers ne se saisissent jamais d’un pistolet, pour conserver cette nature : c’est d’ailleurs ce qui a poussé la création de la mécanique de contrôle mental. Aussi, ils restent à jamais des créatures sensibles, optimistes, proches de la nature dans un rouage toujours plus sombre et anti-naturel. Pour conserver tout de même la légèreté du titre, leurs morts sont toujours quelques peu absurdes, créant un espèce d’humour ironique tout au long de l’aventure.

La quintologie renaît

Tristement, l’idée de quintologie a pris du plomb dans l’aile. Après le grand succès du premier épisode, l’éditeur GT Interactive a demandé à Oddworld Inhabitants de sortir un second épisode rapidement. Voulant être respectueux de leurs liens, le développeur a créé Abe’s Exoddus, qui bien qu’un jeu sympathique est plus une extension du premier épisode que le deuxième épisode imaginé à l’origine. C’en est suivi un accord avec Microsoft Studios pour le développement de Munch’s Odyssee puis Electronic Arts pour La Fureur de l’Étranger. Mais lorsque EA a proposé de racheter le studio, Lorne Lanning a tout simplement… tout quitté. Il faut dire que sa mentalité est simple : pour lui, tout l’argent généré par la vente des jeux doit être réinvesti dans la création de nouveaux jeux. Voilà une philosophie qui ne correspondait pas vraiment au géant américain, et qui a poussé Lorne Lanning a prendre ses distances avec le milieu du jeu vidéo.

Crédit : Oddworld Inhabitants

Fort heureusement, l’explosion du jeu indépendant a eu lieu rapidement après. Et le créateur a eu le nez fin : malgré la fin d’Oddworld Inhabitants, il n’a jamais revendu les droits de ses jeux. Ainsi, fort de nouveaux moyens d’indépendance et de bons partenaires de développement, il a pu recommencer à travailler sur sa quintologie. Le premier pas en cela a été le remake du premier épisode, New ‘n’ Tasty. Son succès a permis de financer la création d’un nouveau remake prévu en 2020, SoulStorm, qui se veut être le vrai second épisode imaginé à l’origine.

La ressortie de La Fureur de l’Étranger sur Nintendo Switch s’intègre également à ce mouvement. Il s’agit d’une résurrection pour Oddworld, qui n’a pas fini d’offrir sa critique du monde capitaliste et son exemple de bonté. Quant à nous, on a hâte de voir enfin la quintologie prendre vie.

Retrouvez Oddworld La Fureur de l’Étranger sur Nintendo Switch