Autrefois considérée comme un concurrent sérieux à NBA 2K, la licence de basket d'EA n'est plus que l'ombre d'elle-même depuis le milieu des années 2000. Retour sur une descente aux enfers en trois actes.
Derrière les locomotives FIFA, Madden et NHL – dont les modes Ultimate Team ont rapporté plus de 1,6 milliards de dollars en 2020 – NBA Live est, depuis la fin des années 2000, la casserole dont EA a un peu honte sans jamais s'en débarrasser. Une sorte d'équivalent vidéoludique du skyblog dédié à Tryo dont on a oublié le mot de passe ou de l'enregistrement maison de Wonderwall qui traîne encore sur MySpace. « Quand je dis que je travaille sur NBA Live, les gens ricanent » confiait Sean O'Brien, ancien producteur exécutif de la franchise, en 2014. « Oh, mais c'est le jeu qu'EA n'arrive pas à faire ? ». Bien résumé : depuis 2010, NBA Live a été annulé cinq fois (2011, 2012, 2013, 2017, 2020). Cette année, il n'est même pas prévu au programme, EA espérant relancer la machine via le développement d'un titre next-gen. Une pirouette dont l'éditeur est coutumier, puisqu'il avait déjà promis une renaissance sur PS4 et Xbox One en 2014. Le résultat : 43% d'avis positifs sur Metacritic pour NBA Live 14 qui, s'il doit être comparé à NBA 2K14, est « une girafe souffrant d'arthrite affrontant LeBron James sur un terrain de basket » selon IGN.
Comment la licence, qui dominait son rival dans tous les compartiments du jeu jusqu'au milieu des années 2000, a-t-elle pu tomber si bas ? Tentative d'explication.
2006 : Le fail NFL
L'histoire commence paradoxalement sur une note positive. En 2005, EA signe un contrat historique avec la NFL lui conférant l'exclusivité sur les licences des équipes, joueurs et stades entre 2005 et 2009. Dans la partie d'échecs qui l'oppose à Take-Two Interactive et ses franchises 2K, l'éditeur américain abat la reine NFL 2K, dont la production annuelle est stoppée, mais met en danger les autres pièces de son plateau. La raison ? L'éditeur de GTA focalise son attention sur ce qui lui reste - à savoir MLB 2K, NBA 2K et NHL 2K - pendant que EA développe et édite toujours un petit paquet de licences sportives. Un catalogue fourni qui lui joue des tours : outre le naufrage Madden NFL 2006 - dont le développement désastreux a été longuement documenté par le magazine RollingStone - NBA Live est aussi une victime collatérale du deal. Entre 2006 et 2009, la franchise peine à renouveler son gameplay et à s'adapter à la nouvelle génération de consoles, pendant que le futur ogre NBA 2K gagne du terrain.
2010 : L'éphémère Mike Wang
A l'instar du Paris Saint-Germain qui, pour oublier le douloureux épisode de la remontada, casse sa tirelire pour enrôler son bourreau, EA adopte une stratégie agressive sur le marché des transferts en 2009. Cette année-là, l'éditeur américain annonce le débauchage de Mike Wang, responsable du gameplay de NBA 2K. Un choix de carrière jugé, à l'époque, surprenant par de nombreux observateurs, tant le rapport de force entre les deux entités est en train de s'inverser. « Je regardais où en était NBA Live, et j'avais l'impression qu'ils étaient derrière nous à bien des égards » raconte le lead designer à IGN. « Mon idée tordue était que si je pouvais étoffer le gameplay [de NBA Live] chez EA, alors peut-être qu'il y aurait à nouveau cette rivalité vraiment passionnée entre 2K et Live et que cela ferait avancer le genre ».
L'effet est immédiat : le gameplay de NBA Live 10 est plus fluide et réaliste que ses prédécesseurs sous l'impulsion du transfuge de Visual Concepts. Mais le sursaut est de courte durée car l'année suivante, Mike Wang rentre à la maison. En cause : un désaccord profond sur le futur de la franchise avec ses supérieurs. « J'avais en tête un projet sur trois ans, détaille-t-il à GameInformer. Nous avons terminé NBA Live 10 et après avoir discuté avec la direction de ce qu'ils voulaient faire, j'ai pensé (...) qu'ils essaient parfois de réinventer la roue. » Il ne croit pas si bien dire.
2011 : Le air ball NBA Elite
L'année 2011 est, sans l'ombre d'un doute, la plus embarrassante pour EA Sports. Mike Wang parti, la branche canadienne en charge du développement pousse pour une refonte complète de la licence. Leur idée de base est bonne, mais complexe à mettre en application : l'essentiel du gameplay reposera sur les sticks analogiques. « Vous pouviez littéralement passer le ballon de gauche à droite, aller au panier, passer le ballon à votre main gauche et faire un dunk de la main gauche, se souvient l'ancien PDG John Riccitiello dans les colonnes de Kotaku. Ils m'ont montré le gameplay, mis la manette dans la main et je me suis dit que je ne m'étais jamais autant amusé sur un jeu de sport. » Fini NBA Live, place à NBA Elite.
Problème : la fenêtre est réduite pour un tel chantier, NBA Live étant une production annuelle. Et ce qui devait arriver arriva, Elite ne voit jamais le jour. Les copies envoyées aux revendeurs sont rappelées en catastrophe avant la sortie, et celles qui sont tombées du camion se revendent à prix d'or. Le seul souvenir laissé par NBA Elite est une démo remplie de glitchs et, disons-le franchement, littéralement injouable. « Il est très facile de créer le sequel d'un produit quand on ne cherche pas à le changer fondamentalement, rappelle John Riccitiello. « Si c'est le cas, vous prenez intrinsèquement un risque important. De temps en temps, nous prenons ces risques. Habituellement, dans le secteur des jeux sportifs, c'est seulement pendant une transition technologique. » Espérons qu'EA ne reproduise pas les mêmes erreurs sur NBA Live 22, donc.