Il aurait pû, il aurait peut-être même dû, être le nouveau Mario, Luigi, Wario, Donkey Kong pourquoi pas, ou tout du moins, accéder à la renommée d’un Kirby. Mais non. Rien n’y a fait, Mr Game & Watch n’est jamais devenu autre chose qu’une curiosité, qu’un petit détail de la grande histoire de Nintendo. Avant de renaître. Rendons-lui justice, ici, et maintenant.
Mais d’abord, petit rappel des faits : nous sommes au tout début des années 80, et la célèbre firme cartonne un peu partout avec ses Game & Watch, des jeux électroniques de poche (également capables de donner l’heure et de vous réveiller le matin, le progrès n’avait alors aucune limite). 59 jeux, vendus à 43,4 millions d'exemplaires à travers le monde. Un carton donc. Et un visage, ou plutôt, une forme, apparaissant régulièrement dans bon nombre de jeux proposés, parfois comme héros principal, personnalité de premier plan (Ball), souvent comme personnage secondaire, voir carrément comme simple figurant d’une aventure qui fonctionnerait tout aussi bien sans son apparition furtive (First). Un petit bonhomme sans voix (la technologie ne le permettait tout simplement pas, après tout, on ne peut sur ce coup là en vouloir à personne), sans détail (ses mains ne sont que des gros ronds noirs, ses jambes et ses bras, des traits épais, son corps, un simple coup de feutre noir, bref, difficile de le décrire autrement que comme un “coup de stylo”), et finalement, sans même un nom propre, ses pères ayant préféré lui donner celui de la machine qu’il devait représenter. Mr Game & Watch donc. Un anonyme. Dont la fonction est de n’être que le VRP d’un produit destiné à être plus populaire que ce petit bonhomme.
Sans doute à cause de cette absence totale d’identité, bien vite, comme la console, Mr Game & Watch se verra ringardisé par Mario et sa bande. Eux sont plus sympathiques, plus colorés, plus beaux, plus accueillants. Eux semblent pourvus d’une histoire, d’un but. Et dès 1989 et l’arrivée de la Game Boy, l’affaire est pliée, et les Game & Watch, archaïques, ne survivront que deux petites années supplémentaires (avant de faire, nostalgie oblige, leur grand retour en 2020 avec une console spéciale pour les 35 ans de la série Super Mario Bros). Mr Game & Watch semble mort et enterré, avant même d’avoir existé. Pourtant, des adieux seraient définitivement précipités.
Au tournant des années 2000, Super Smash Bros vient remettre les pendules à l’heure. Offrant la possibilité de voir s’affronter dans des combats épiques (et sans une goutte de sang, naturellement) les personnages phares de l’entreprise, la série de jeux ne pouvait laisser sur le banc de touche le plus ancien de ses Avengers. Et ici, l’hommage fonctionne : non seulement son apparence n’est pas modifiée (une vraie 2D plate et bougeant image par image, et n’y voyez surtout pas la moindre trace de flemmardise ici, l’hommage est réel tout autant que sincère), mais une histoire, un passé lui sont attribués, à l’obtention de quelques trophées. Mr Game & Watch n’est ainsi pas fait de rien, mais d’une étrange substance, et il est né quelque part, sur Superflat World. C’est peu, certes. Pas de quoi noircir des pages entières d’une hypothétique biographie. Mais suffisant pour rappeler qu’il est l’un des pères fondateurs d’un monde qui, aujourd'hui encore, ne cesse de s’enrichir.