La mode étant un art en évolution permanente, un œil vers le passé mais avec des envies de façonner l’avenir, il était plus que normal que le jeu vidéo, lui aussi mouvant, devienne pour les créateurs un terrain d’expérimentation.
“Avec Jeune Styliste Paris, l'esprit de la Haute Couture est à l'honneur. Ce jeu permet aux joueurs de définir des modèles, de personnaliser une ligne de vêtements et d'organiser les défilés les plus glamour de la capitale”. Ce pitch est celui d’une licence Ubisoft, Jeune Styliste donc, qui ne parviendra sans doute pas à séduire tout le monde, mais qui depuis plus de dix ans maintenant, fait le bonheur, sur tous supports, des jeunes créatrices et créateurs en herbe. Certes, s’il ne s’agit pas du seul jeu du genre (vous vous souvenez de Barbie Fashion Designer sur PC en 1996 ?), ni même du premier, et si les créations possibles restent finalement relativement loin de l’audace des plus grands, il est une preuve que le lien entre mode et jeu vidéo est définitivement un lien populaire, accessible à tous.
Les grandes marques s’emparent du jeu vidéo
Mais aller plus loin, les marques le devaient. Et depuis 2020 (à la louche), et en ces temps de pandémie obligeant à la réinvention, c’est festival ! En décembre 2020 et janvier 2021, les griffes Longchamp et Gucci se sont intéressées de près à Pokémon GO, offrant aux joueurs de rhabiller gratuitement leurs dresseurs avec des vêtements chics. Marc Jacobs et Valentino ont créé des looks New Horizons pour Animal Crossing. Balenciaga a sorti en décembre dernier un sweat à capuche (plutôt moche) avec le logo de la PlayStation 5. Fin 2019, Ninja, 16,6 millions de followers sur Twitch, lançait avec Adidas une basket nommée Time-In et vendue au prix de 150 euros (c’est cher). Parfois, la frontière est plus floue : Gucci a dévoilé une série de nouvelles fonctionnalités sur son application mobile, invitant les clients à jouer avec des motifs, la réalité virtuelle leur permettant d' essayer des baskets et des montres. Est-ce du jeu vidéo ? Oui.
Une nouvelle étape a été franchie il y a quelques mois. Dimanche 6 décembre 2020, le directeur artistique de Balenciaga, Demna Gvasalia, déjà derrière le fameux sweat PS5, annonçait en grandes pompes la sortie évènement du premier jeu vidéo pleinement imaginé par une marque de vêtements. Rien de moins qu’un nouveau Fortnite dans lequel on pourra croiser des personnages habillés intégralement avec la dernière collection de l’entreprise française de mode et de luxe fondée en 1917 par l'Espagnol Cristóbal Balenciaga. Le pitch n’a rien d’exceptionnel : nous sommes en 2031, on joue à la bagarre, et au fil des niveaux, les 50 looks de l’automne 2021 se dévoilent les uns après les autres.
Faut-il dès lors penser, comme le proclame le New York Times, que les jeux vidéo sont les nouveaux podiums ? Un terrain d’expérimentation, sans aucun doute. Mais aussi une étape somme toute logique. Comme le rappelle très justement un article du Guardian paru en 2019 : “des millions de personnes jouent à des jeux vidéo dans le monde chaque jour, et la façon dont les personnages s'habillent dans ces jeux est importante. Alors pourquoi n'avons-nous pas davantage parlé de mode dans les jeux ?”, et la journaliste, Victoria Tran d’émettre l’hypothèse selon laquelle “la mode a été écartée comme sujet parce qu'elle est considérée comme un intérêt plus « féminin ». Ce n'est un secret pour personne que les jeux vidéo ont été dans le passé un domaine dominé par les hommes”. La mode dans les jeux vidéo, en somme, est un prolongement logique de ces heures passées à choisir chapeaux et pantalons pour notre petite famille de Sims, mais aussi, un symbole d’évolution des mentalités.