C’est un marché qui ne cesse de grandir dans un pays qui ne cesse de se développer, et pourtant, le jeu vidéo en Inde reste largement une énigme. Qui joue ? Comment ? Dans une contrée aussi vaste, les questions le sont tout autant. Décryptage.
Le jeu vidéo en Inde est un marché émergent, certes, mais encore tout riquiqui en comparaison des États-Unis ou du Japon. Avec trente millions de dollars de chiffre d’affaires en 2006, le secteur du jeu vidéo fait figure de petit poucet. Il faut dire que nous nageons en plein paradoxe : le taux de piratage des logiciels et des consoles est là-bas de plus de 80 %, ce qui a le don évident de faire fuir les éventuels investisseurs. Pourtant, l’un des facteurs de croissance du marché du jeu vidéo réside dans son grand nombre de cybercafés, lieux étant utilisés à 40% par des joueurs désireux de s’affronter en ligne (en octobre 2005, l’éditeur Level Up est le premier à distribuer un jeu en ligne massivement multijoueur là-bas avec Ragnarok Online - 2005, c’était hier). En somme, les compétiteurs et amateurs sont là, reste encore à trouver comment les séduire.
Mais tout cela, c’était avant. En 2021, le marché est estimé à 1,5 milliards de dollars. Cette croissance, folle, peut être attribuée à plusieurs facteurs, notamment l'augmentation du revenu et l'essor du jeu mobile. Ce dernier est particulièrement populaire, puisqu’on estime qu’il y a environ 400 millions de joueurs sur mobile dans tout le pays (rappelons-le, le deuxième pays le plus peuplé avec un milliard et demi d’habitants, et le septième pays le plus grand du monde). Le faible coût des smartphones et des données mobiles a rendu les jeux plus accessibles à un public plus large, en particulier dans les zones rurales. Cela a entraîné la montée en puissance de sociétés telles que Tencent et Paytm, qui ont réalisé des investissements importants sur le marché indien.
Mais plus encore que le jeu mobile, c’est l’esport qui semble tirer son épingle du jeu, et avec lui, la création de véritables communautés, au sein d’universités par exemple. Et à la suite de cela, le gouvernement indien lui-même n’a guère tardé à remarquer (et à juger d’un bon œil) le potentiel de l'industrie du jeu, avec des initiatives telles que le programme Startup India et le National Games Development Program, qui visent à apporter un soutien (financier, mais pas uniquement) aux développeurs de jeux dans le pays.
Mais allons plus loin encore. Jouer, certes. Mais apprendre ? Comme le rapportait le India Times au début de l’année 2023, “l'utilisation des jeux vidéo à des fins éducatives est encore relativement nouvelle en Inde, mais suscite un intérêt croissant. De nombreuses écoles et collèges ont commencé à intégrer des jeux éducatifs dans leur programme pour rendre l'apprentissage plus interactif et engageant”. Et le journaliste d’ajouter que “l'utilisation des jeux vidéo pour la formation professionnelle a également gagné du terrain. La National Skill Development Corporation a collaboré avec des sociétés de développement de jeux pour créer des programmes qui enseignent des compétences telles que la plomberie, la soudure et l'électricité”.
Résumons. L'avenir des jeux vidéo en Inde semble prometteur, difficile de le nier. Le marché, mais également la culture, sont en pleine croissance. Le gouvernement investit, crée des emplois. Les écoles se servent du médium pour enseigner, les entreprises, pour former. Les prochaines années seront décisives. Il faudra suivre cela de très près.
