En 2009, Dragonball Evolution sort en salles le 1er avril. Une coïncidence troublante, tant il s'agit de l'une des pires adaptations hollywoodiennes de l’ère moderne.
Paradoxalement, l’histoire commence bien pour la Fox. En mars 2002, la société de production annonce avoir trouvé un accord avec Shusheia pour l'obtention des droits de Dragon Ball. La promesse ? Une adaptation en live-action estimée à 100 millions de dollars, avec Akira Toriyama en qualité de consultant. Reste à trouver un scénariste capable de retranscrire – plus ou moins fidèlement - l’œuvre au grand public, ainsi qu'un nom ronflant pour la réalisation. La première mission est accomplie deux ans plus tard. « En 2004, Ben Ramsey a été recruté par 20th Century Fox pour modifier un script existant,raconte Derek Padula, spécialiste de l’œuvre de Toriyama et auteur de plusieurs livres sur le sujet. Ben soumet son script, est payé 500 000 dollars et quitte le projet ». Côté réalisation, la Fox approche d'abord Stephen Chow. Acclamé pour ses comédies d'action Shaolin Soccer ou Crazy Kung-Fu au début des années 2000, le Hongkongais n'accepte qu'un rôle de producteur. C'est James Wong (Destination Finale) qui hérite de la patate chaude.
Dans la foulée, un autre casting se dessine : celui des acteurs. Justin Chatwin (La Guerre des Mondes) campe le rôle de Goku, James Marsters (Buffy contre les Vampires) incarne Piccolo et Emmy Rossum (Mystic River) hérite de Bulma. Problème : le projet vendu lors de la signature du contrat, prévoyant notamment le financement de plusieurs suites, n'est pas conforme à la réalité. Lors d'une interview, James Marsters se souvient : « Ils m'avaient dit que c'était un film avec un budget de 120 millions de dollars, produit par Stephen Chow. Et je me suis dit que ça allait être fabuleux ». Mais au moment du tournage, qui débute fin 2007, le budget a été divisé par trois. Pire : le script, retravaillé par James Wong et ses producteurs, multiplie les incohérences et s'éloigne dangereusement de l’œuvre canonique. Une démarche qu'à moitié assumée par le réalisateur de Destination Finale selon un rédacteur de Crunchyroll. « Dans l'article d'annonce publié par Variety, il est expliqué que si Ben Ramsey a écrit une première version, James Wong réalise le scénario qu'il a lui-même écrit, relate-t-il. Ce qui est étrange, cependant, c'est que Wong n'est pas crédité pour son script ». Le titre, aussi, évolue de « Dragon Ball » à « Dragonball Evolution », pour éviter un faux-procès par rapport à l’œuvre originale. « Ce mot Evolution permet de dire que c'est bien Dragon Ball mais un peu différent du Dragon Ball que vous connaissez » explique le réalisateur à Allociné. « C'est ce que j'ai compris, en tout cas ».
« Un film que je ne peux appeler Dragon Ball »
Le résultat ? Un navet de 85 minutes où Goku, présenté comme un lycéen asocial et martyrisé par ses camarades, s'entraîne au combat sur du fil à linge, se balade en quad avec Bulma et utilise ses pouvoirs pour ouvrir des casiers ou allumer des bougies. « Au-delà de ses fabuleuses histoires, l'intérêt de Dragon Ball réside dans la richesse du monde qu'a créé Akira Toriyama » se justifie le scénariste. Mais de l'univers de Dragon Ball, il ne reste plus grand chose en dehors des noms des personnages, des boules de cristal et de quelques éléments ici ou là. Est-ce un teen movie, un film d'action ou une parodie ? Tout le monde l'ignore. Dragonball Evolution est, en tout cas, suffisamment mauvais pour être désavoué par Akira Toriyama. « Je trouvais le contenu fade et pas très intéressant, rappelle le mangaka. « J'ai prévenu et proposé quelques ajustements, mais ils n'ont pas suivi mes recommandations. Et comme prévu, le résultat est un film que je ne peux appeler Dragon Ball ». Une position partagée par les spectateurs : Dragonball Evolution recueille 15% d'avis positifs sur Rotten Tomatoes et reste, à ce jour, le film le plus mal noté par les utilisateurs d'Allociné avec une note de 0,8/5.
Mais alors, à qui la faute ? Difficile de pointer les responsabilités tant la plupart des personnalités impliquées dans ce naufrage se sont murées dans le silence, à l'exception de l’un d’entre eux. Dans une lettre adressée à Derek Padula en 2016, Ben Ramsey revient longuement sur ce « moment créatif douloureux dans sa vie ». « J'ai passé tant d'années à essayer de rejeter la faute sur d'autres, écrit-il. Mais au bout du compte, j'assume l'entière responsabilité de ce qui fut une immense déception pour tant de fans ». C'est l'appât du gain qui résume, selon lui, ce naufrage scénaristique. « Je me suis lancé dans le projet pour récupérer un gros chèque, assume-t-il. Pas en tant que fan de la franchise mais en tant qu'homme d'affaires acceptant une mission. J'ai compris que lorsqu'on se lance dans une entreprise créative sans passion, on obtient des résultats médiocres ». Faute avouée, à moitié pardonnée.