En 2015, l’envoûtant petit monde d’Ori and the Blind Forest débarquait sur nos machines. Une création à l’ambiance poétique et au gameplay finement ciselé que nous devons à Moon Studios, une entreprise pas tout à fait comme les autres.
Ori and the Blind Forest, c’est avant tout l’aboutissement de quatre années de dur labeur. Une aventure humaine initiée par une poignée de passionnés, des créateurs en quête du jeu de leur rêve, mais sans les moyens financiers des gros studios. Une nouvelle vision de la production vidéoludique qui a fini par porter ses fruits.
« Il fallait nous placer différemment de tous les autres studios »
Nous sommes en 2010, en Autriche. Thomas Mahler et Gennadiy Korol sont deux développeurs ayant notamment travaillé pour Blizzard Entertainment durant quelque temps. Mais bien loin des projets parfaitement cadrés de la firme californienne, ce duo rêve désormais de se lancer dans des créations bien plus personnelles. Si les idées ne manquent pas, les ressources financières sont en revanche quelque peu limitées. Qu’importe, ils fondent Moon Studios et commencent à imaginer une autre manière de concevoir des jeux vidéo. Pourquoi s’embêter à louer de coûteux locaux alors qu’Internet permet aujourd’hui de rassembler des personnes situées aux quatre coins du globe ? Mahler et Korol optent pour une forme de "studio virtuel", misant sur une communication à distance. « Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait former un "studio virtuel", afin de recruter des talents du monde entier et faire travailler tout le monde par Internet », explique ainsi Mahler.
Une équipe réduite est donc mise en place et démarre les travaux. Mais genre de jeu imaginer pour faire ses débuts ? Les moyens limités imposent une certaine humilité et Moon Studios s’oriente donc vers une réalisation en 2D, comme le font beaucoup de jeunes développeurs indépendants. En s’inspirant de Super Meat Boy ou encore Super Mario Bros. 3, la petite troupe démarre la production de prototypes reposant sur divers concepts. L’un d’entre eux fait immédiatement mouche. Il s’agit de "Sein", un mélange entre Metroidvania et plateforme pure. Les mécaniques sont travaillées jusqu’à devenir parfaitement fun, tandis qu’une histoire d’esprit de la forêt commence à germer. Avec une première démo en poche, l’entreprise autrichienne se met à démarcher les éditeurs, et c’est finalement Microsoft qui ouvre grand sa porte. Il faut dire que le jeu de plateforme en 2D revient à la mode et la superbe ambiance imaginée par Moon Studios séduit immédiatement le géant américain.
L’E3 2014, la consécration
Sous le giron de Microsoft, Moon Studios continue son aventure, faisant évoluer sa première création au fil des mois. C’est décidé, le tout prendra le nom de "Ori and the Blind Forest". L’équipe imagine la grande épopée d’Ori et Naru qui retrouvent un jour la forêt de Nibel dévastée par un mal mystérieux. Seule solution, restaurer les trois éléments essentiels à la survie de leur habitat, l'eau, le vent et la chaleur. Ce scénario féérique est mis en image par une superbe direction artistique qui exige cependant un travail exceptionnellement long. Mahler et Korol ayant volontairement limité la taille de leur effectif pour des raisons budgétaires, le projet avance lentement. Voilà déjà deux ans que les travaux ont commencé. Nous sommes donc en 2013 et Microsoft s’apprête à lancer sa nouvelle machine, la Xbox One. Pas le choix : Ori and the Blind Forest sortira finalement sur cette plateforme.
Un an plus tard, le "studio virtuel" est enfin prêt à dévoiler son œuvre au monde entier, et ce par la très grande porte. Microsoft leur a fait une proposition en or : apparaître durant sa conférence de l’E3 2014. Une situation inespérée. « Nous avons appris que Microsoft avait même créé des bracelets pour les gens du public. Lorsque notre trailer est apparu à l’écran, les lumières de l’Arbre aux Esprit se sont illuminées et les bracelets aussi. Toute la salle était illuminée, tandis que les gens commençaient à acclamer et applaudir le jeu », se rappelle Thomas Mahler. « Je regardais le public pour juger sa réaction, mais je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer. Pour la première fois en plus de trois ans, j’avais l’impression que notre travail acharné avait enfin payé ». Et quel accueil de la part du public ! Ori and the Blind Forest est récompensé par toute la presse, nommé maintes fois "Jeu du salon", alors que les joueurs partagent leur impatience aux quatre coins du web. Quelques mois plus tard, le 11 mars 2015, le titre débarque sur Xbox One et PC après quatre longues années de développement.
Conserver la même philosophie
L’accueil offert à Ori and the Blind Forest est prodigieux. Les excellentes notes affluent, tandis que Malher estime que le titre est devenu profitable pour Microsoft après seulement une semaine de commercialisation. Le pari de Moon Studios a payé. Répartie d’un bout à l’autre de la planète, une poignée de développeurs est parvenue à créer une superbe aventure qui aura marqué de nombreux joueurs. La firme obtient ainsi des ressources financières bien plus confortables, mais ne veut pas changer de philosophie. La suite de cette expérience sera toujours développée par une équipe réduite et passionnée.
Elle planche ainsi depuis cinq ans sur un second volet baptisé Ori and the Will of the Wisps, dont la sortie est prévue pour le 11 mars 2020. Nous y incarnerons à nouveau Ori, qui devra cette fois-ci s’aventurer hors de sa forêt et faire face à son destin, tout comme Moon Studios a su écrire sa propre histoire : « Il y a environ 4 ans, nous nous sommes lancés dans la création de notre propre studio » explique Malher. « Nous n’avons pas choisi la route la plus facile. Nous savions que nous ne prendrions pas de raccourcis. Nous avions spécifiquement opté pour la voie difficile. Nous voulions créer. Nous avons formé une famille de développeurs tout autour du monde qui a su montrer son amour et sa passion pour son travail. » Amen.