IO Interactive s’apprête enfin à sortir Hitman 3, conclusion de sa trilogie World of Assassination. Mais savez-vous seulement ce qu’ils ont enduré pour en arriver là ?
A sa naissance, IO Interactive n’était pas IO Interactive. Il n’était simplement que “Reto-Moto”, un studio dannois indépendant fondé en 1997 par 7 créateurs de demo video qui voulaient retourner à leur terre natale. C’est en s’alliant avec le studio de film Nordisk qu’ils créent IO Interactive, et lancent une licence aujourd’hui connue de tous dans le monde du jeu vidéo : Hitman.
On pourrait croire en observant uniquement les calendriers de sortie que tout a toujours été pour le mieux pour IO Interactive. Que le développeur a simplement observé une croissance positive tout le long de son existence, et a tapé dans l’œil des investisseurs. Mais il n’en est rien : il a dû se battre pour continuer de vivre, de multiples fois. Racheté par Eidos en mars 2004, le studio a fait son premier pas de côté en développant Hitman Contracts, le troisième épisode de la série, en seulement 9 mois. Fort heureusement, il s’est bien vite rattrapé avec Hitman Blood Money, qui est aujourd’hui devenu l’épisode le plus culte de la série.
La première vague Eidos
Mais lorsque le studio est devenu AAA à la suite des investissements d’Eidos, une première crise s’en est venue. Vorsholt Jørgensen, Pollas, Andersen et Guldbrandsen, quatre fondateurs d’IO Interactive, sont partis en compagnie de Neil Donnell (ancien d’Eidos) pour recréer Reto-Moto. Voyez-vous, IO Interactive est devenu une machine bien huilée, un monstre capitaliste. Selon les mots de Jesper Donnis, il est devenu “le” studio de Copenhague, celui pour lequel tout le monde rêve de travailler, mais aussi le seul. Des centaines de visages croisés dans les couloirs qu’on ne reconnaît plus. C’est ce qui a précipité le départ de ces créateurs clefs, qui souhaitaient revenir aux sources de leur créativité.
Deux ans plus tard, en 2010, IO Interactive annonçait devoir se séparer de 30 des membres de son équipe de développement. Une procédure naturelle dans l’industrie, à ceci près qu’ici, il semble que ces départs aient été forcés par un projet avorté aux côtés de Microsoft. La licence Kane & Lynch n’a pas trouvé le succès escompté par les nouveaux maîtres des lieux, Square Enix, qui a acquis Eidos en 2009. Il était temps en 2011 de retourner à la poule aux œufs d’or et de réaliser un nouvel Hitman.
Hitman Absolution. Tel est le nom du titre qui a changé le visage de la série. Square Enix voulant s’essayer à publier épisodiquement ses séries, dont le succès des séries TellTales a prouvé l’intérêt, l’éditeur a semblé pousser le développeur à adopter ce nouveau format. Quitte à s’essayer à un nouveau modèle économique, autant ne pas le tenter sur les productions in house et envoyer le proverbial canari européen dans la mine. Le format épisodique de Hitman Absolution a effrayé et déplu. Le gameplay, plus action, a brusqué les fans de la licence sans nécessairement aider le développeur à trouver un nouveau public. Mais malgré tout, le cœur du jeu reste excellent, et la déception est vite pardonnée par les efforts du studio tout au long de sa saison 1 pour naviguer la barque Hitman dans une direction que tous apprécient.
L’iceberg Square Enix
Ce que l’on ignorait encore, c’est qu’ils naviguaient à vue. En 2013, IO Interactive a officiellement annulé tous ses projets pour se focaliser uniquement sur Hitman, et a dû remercier 70 de ses employés une nouvelle fois. En Février 2017, Hannes Seifert, le boss d’IO Interactive dans cette nouvelle ère, cède la place pour retourner en Australie. Que se passe-t-il au sein d’IO, au sein de Square Enix ? Nul ne le savait jusqu’à ce qu’en Mai 2017, le couperet tombe : Square Enix enlève toutes ses billes d’IO Interactive et annonce mettre le développeur en vente. Propriétés intellectuelles incluses. Ce faute des pertes enregistrées suite à la déviation du concept Hitman et les nombreux jeux mobiles poussés par l’éditeur Japonais. Yosuke Matsuda, président de Square Enix, l’a lui-même avoué à Gamasutra : ils ne savaient tout simplement pas comment bien traiter cette licence occidentale, et la méthode Square Enix n’a fait qu’enregistrer des pertes. Selon lui, ils l’ont mis en vente car il “voulait que le développement de Hitman continue”, mais ne pensait plus que Square Enix était le bon partenaire pour eux.
Le mois d’après, IO Interactive a pu partager la bonne nouvelle : ils se sont rachetés eux-mêmes ! Retour à l’indépendance pour le développeur Danois, libre désormais de traiter sa série de cœur comme bon lui souhaite. Et cela s’est rapidement vu : après un premier accord d’édition passé avec WarnerBros pour Hitman 2, le troisième volet de la série est auto-édité. Le format épisodique est un souvenir lointain désormais. Et la trilogie trouvera bientôt sa conclusion sur toutes les consoles possibles et imaginables du marché, y compris la Nintendo Switch grâce au cloud gaming. IO Interactive est de nouveau libre et plus puissant que jamais, mais il a dû naviguer à vue et esquiver de nombreux glaciers qui ont coulé bien d’autres studios avant lui. Ne l’oubliez pas alors que vous goûtez à sa dernière production.
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