Comment les nerds pourraient un jour défiler sur les podiums de la haute couture ? Cet étrange rêve s’est réalisé plus vite et plus naturellement qu’on n’aurait pu l’imaginer.
Imaginez-vous dans le cliché des années 80, souvent mis en scène par Steven Spielberg au cinéma ou dans Stranger Things à la télévision ? Vous n’êtes qu’un petit geek dans votre coin, en train de rêver au monde imaginaire que vous pourriez créer sur l’ordinateur de l’école, en attendant de pouvoir inviter vos amis à jouer à Donjons et Dragons tout au long du week-end. Avez-vous une seule seconde en tête la haute couture ? Des noms comme Dior, Channel, Givenchy ? Il est plus que probable que dans le meilleur des cas, elles vous apparaissent comme les marques “des gens normaux”, de ceux qu’on ne pousse pas dans les couloirs et dont on ne moque pas les goûts. Et pourtant, des années plus tard, la haute couture fait référence à toutes ces activités que vous aimez tant. Un choc ? Non : c’est sa nature-même.
Un reflet du monde
La haute couture telle qu’on la décrit est un cercle extrêmement fermé. Et pour cause : il ne s’agit pas uniquement de faire des vêtements de luxe pour pouvoir être considéré dans ce cercle. En France, la “haute couture” est même une appellation protégée, c’est dire si ce milieu est sérieux. Pour pouvoir prétendre entrer dans ces rangs, il faut respecter des conditions très strictes : il faut absolument que le travail soit réalisé à la main, que ce dernier soit fait pour une seule et même personne, que le créateur soit intégré à une grande maison pour laquelle il réalisera deux défilés à l’année, entre autres règles très précises sur l’environnement de travail lui-même.
La haute couture se prend extrêmement au sérieux. Et à raison : elle doit préfigurer de ce qui deviendra la mode par la suite. Si vous entendez souvent “avant-garde” lié à la mode, ce n’est pas pour rien : les défilés de haute couture sont là pour imaginer le monde de demain par la mode de demain. Cela sous-entend donc d’être à l’écoute des mouvements culturels et sociétaux à travers la planète entière, et de trouver l’inspiration dans ce qui n’est que le germe d’une idée pour d’autres. De la haute couture naîtra par la suite la mode, et de la mode naîtra le prêt-à-porter accessible à tous. C’est aussi grâce à cela que les créateurs peuvent aller toujours plus loin, repousser les limites de ce qui est vu comme un vêtement pour devenir une véritable vision d’artiste, et une œuvre qui marquera son époque.
Un monde POP
Lorsque l’on parle de mode en relation avec le jeu vidéo, on aura tout de suite tendance à penser aux exemples les plus communs. Par exemple, le fait que Diesel se soit associé à Devil May Cry 2 en 2001, avec une ligne de vêtements qui est apparue aussi bien dans les magasins que dans le jeu lui-même. On pensera aussi à The Sims, le jeu de gestion et simulation d’Electronic Arts, où la mode est naturellement un élément important puisque le gameplay se veut être un miroir du monde contemporain. Pour ce faire, nous avons pu voir apparaître des marques comme H&M ou des créateurs comme Moschino dans le jeu. Mais tout ceci était surtout la marque du fait que le jeu vidéo est entré dans la culture générale. Une preuve s’il en fallait une que tout le monde peut jouer, et que tout le monde joue.
Qu’en est-il de l’avant-garde auquel cas ? De ces créateurs qui ont vu plus loin encore que le contexte actuel pour imaginer le monde de demain ? L’un des premiers exemples fut la créatrice Carri Munden (ou CassettePlaya), qui lors de la London Fashion Week de 2007 a fait défiler sa collection inspirée par le personnage de Sonic et les années 8/16 bits. Une collection ancrée dans le contexte street wear de l’époque, où les sneakers ont eux-mêmes envahi les défilés de mode. Un an après, Giles Deacon s’est lui aussi emparé de la London Fashion Week avec une collection cette fois-ci inspirée de Pac-Man. Ces deux événements ont préfiguré la mode actuelle, où de grandes marques de prêt-à-porter comme Uniqlo ou H&M s’associent librement avec les licences geek pour leurs collections. L’avant-garde a une nouvelle fois été visionnaire.
Les égéries de demain
La haute couture a donc préfiguré cette tendance, comme on l’attendait. Pour autant, elle n’a pas fini de prédire l’avenir. Un mouvement en particulier commence doucement à prendre racine. Et pour cela, il nous faut revenir rapidement sur le concept de l’égérie. De nombreux créateurs, pour une année ou plusieurs défilés, mettent en avant une mannequin en particulier comme leur star absolue, celle qui représente le plus l’idée que la collection cherche à répandre. Et en 2015, Louis Vuitton a choisi Lightning, le personnage principal de la série Final Fantasy XIII, pour sa collection Printemps-Été de 2016. La raison invoquée par Nicolas Ghesquière, le grand ponte de cette collection ? Il s’agit de l’avatar parfait d’une héroïne féminine mondiale, ce que la collection cherchait à mettre en avant.
Un avatar de jeux vidéo comme égérie de mode ? En 2015, difficile d’imaginer cela comme autre chose qu’un coup de publicité. Mais en 2021, peut-on vraiment ignorer cette possibilité de nos jours ? Alors que K/DA a ambiancé la compétition League of Legends et que Louis Vuitton a créé sa collection exclusive inspirée de LoL, peut-on vraiment dire que des avatars virtuels sont incapables d’être des figures de mode ? En s’emparant de la pop culture, la haute couture n’a fait que souligner son rôle grandissant dans ce que serait le monde de demain. Et le jeu vidéo n’a pas hésité une seule seconde à monter sur l’estrade pour nous y guider.