FUEL : l’oeuvre démesurée et oubliée d'Asobo Studio
Dossier
PUBLIÉ LE 27 oct. 2022

FUEL :
l’oeuvre démesurée et
oubliée d'Asobo Studio

Crédit : Codemasters
Etienne C.
Etienne C.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 27 oct. 2022

Succès d'estime du catalogue du studio bordelais, FUEL est entré dans l'histoire en 2009. Comment ? En proposant un monde ouvert de 14 400 km2, soit le plus grand environnement jouable dans un jeu vidéo. Voyage dans les traces d'un jeu de bagnole pas comme les autres.

En marketing, on appelle cela une promesse. Comprenez : un élément permettant de se singulariser sur un marché concurrentiel, posé comme base du storytelling et matraqué pendant toute la promotion du produit. Dans le cas de FUEL, jeu de course off-road en monde ouvert dévoilé en mai 2009, la promesse est limpide : un terrain de jeu gigantesque, presque infini. Une aire de 14.400 km2 qui, grâce à la méthode de génération procédurale, ferait passer « le Liberty City de GTA IV pour une maquette pour Micro Machines et le Cyrodiil d'Oblivion pour le jardinet étriqué d'un pavillon de banlieue » pointe un journaliste de Gamekult dans sa critique. Mais pour Asobo Studio, jusqu'alors inconnu du grand public, FUEL fut bien plus que cela. Au-delà de la prouesse technologique, homologuée par le Guinness Book comme « le plus grand environnement jouable dans un jeu vidéo », cette première création originale a valorisé leur savoir-faire, facilité la transition vers la prochaine génération de consoles et assuré la survie de l'entreprise dans un écosystème instable. « Fuel était le moyen de démontrer notre savoir-faire en termes de programmation » rappelle Aurélie Belzanne, directrice de la communication du studio, à Rue89. C’est la réputation acquise avec ce jeu qui nous permet aujourd’hui de réaliser des programmes de recherche et développement de très haute technologie ».

Liquidation judiciaire, party-game et « Ratatouille »

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Crédit : Codematers

Car si Asobo Studio est aujourd'hui mondialement reconnu grâce à A Plague Tale, série d'action-aventure nous plongeant dans le royaume de France au XIVe siècle, il n'en a pas toujours été ainsi. Fondée par douze rescapés de Kalisto Entertainment, l'entreprise n'a qu'une ambition toute simple : terminer SuperFarm, party-game trash et irrévérencieux dont le développement a débuté dans les bureaux de leur ancien employeur. « On avait à peine plus d’ambition et d’espoir que de simplement vouloir retrouver du travail après » rembobine David Dedeine, cofondateur et directeur créatif du studio, dans les colonnes de Télérama. Puis en 2007, tout s'accélère. Les développeurs bordelais sont repérés par THQ, qui commande une adaptation de Ratatouille sur PlayStation 2. Le succès commercial du jeu, écoulé à plus de 2,5 millions d'exemplaires, renforce les liens entre les deux entités qui collaborent sur d'autres adaptations Pixar comme WALL-E ou Là-Haut. « Pour nous qui étions encore un petit studio qui cherchait à maintenir la tête hors de l’eau, on a eu l’occasion de travailler avec des grands, rappelle David Dedeine. En termes de crédibilité, ça a été un énorme coup de pouce ».

Les sentiers de la gloire

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Crédit : Codemasters

La stabilité financière (presque) assurée, les salariés peuvent s'atteler, en parallèle, à la réalisation d'une idée ayant germé en 2003 : une technologie à la pointe « favorisant les interactions entre les joueurs dans un vaste monde persistant ». D'abord destinée à être exploitée dans un MMO, elle constitue, finalement, la base de FUEL : jeu de course où l'on se balade, souvent sans but, dans une version alternative des Etats-Unis ravagée par les effets du dérèglement climatique. Pourquoi un tel changement de cap ? « Pour répondre aux problématiques d'un petit studio, il fallait trouver un moyen de générer beaucoup de contenus avec des moyens de production restreints, explique David Dedeine à l’époque. « Nous nous sommes rendus compte que le meilleur moyen était de faire un jeu avec des véhicules se déplaçant dans de vastes espaces. D'un côté, on limitait les interactions avec cet environnement, mais d'un autre côté on en tirait profit par rapport à la rapidité des déplacements et on pouvait exploiter la variété des environnements dans un gameplay ». Le trailer monté et le game concept rédigé, Asobo Studio entame le démarchage et tape dans l'œil de Codemasters. La date de livraison est fixée à l'été 2009. « Ensuite, on a foncé ».

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Crédit : Codematers

FUEL n'a pas marqué son temps pour son propos engagé, la beauté de ses paysages ou son gameplay (un poil) répétitif, mais reste une œuvre majeure dans le catalogue d'Asobo. Un rêve un peu fou qui leur ouvre les portes de clients prestigieux comme Microsoft, qui les missionne pour plancher sur du contenu pour HoloLens, la caméra Kinect ou, plus récemment, sur le développement de Microsoft Flight Simulator. « Travailler étroitement avec Microsoft pendant près de cinq ans pour sa technologie de réalité mixte HoloLens nous a fait repasser sous le radar. Mais toutes ces étapes nous ont conduits à une stabilité financière malgré notre indépendance, et l’on a pu partir sur un projet beaucoup plus risqué comme A Plague Tale : Innocence ». Et sa suite A Plague Tale : Requiem, dévoilée le 18 octobre. Une autre masterclass dans la forme mais cette-fois aussi dans le fond.

A Plague Tale : Requiem est disponible sur PlayStation 5 et Xbox Series X/S.

A Plague Tale : Requiem dans la boutique Micromania