Même si elle est connue pour être principalement composée d’hommes, l’industrie du jeu vidéo compte son lot de femmes brillantes qui ont changé l’histoire du milieu. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, on revient sur le parcours de certaines de ces pionnières.
Carol Shaw - La première game designer
Née en 1955 à Palo Alto (Californie), le parcours de Carol Shaw présente tous les indices de ceux réservés aux grosses têtes. Dès le lycée, elle apprend à utiliser un ordinateur (et à l’époque, on est assez loin de l’intuitivité d’un iPad). Se rendant compte qu’elle pouvait jouer à des “jeux” reposant sur du texte, elle se plonge encore un peu plus dans ce hobby, et après des études à la très respectée université de Berkeley, elle en sort en 1977 avec un diplôme en ingénierie électrique et en science des ordinateurs.
Après son master, elle est recrutée par Atari en tant qu’ingénieure logiciel microprocesseur. C’est là-bas qu’elle crée son premier jeu : un morpion en 3 dimensions. Deux ans plus tard, elle passe chez Activision et développe, seule, River Raid pour l’Atari 2600. Le jeu se hisse en seconde place des ventes cette année-là (1983), juste derrière Ms. Pac-Man. Il reçoit de nombreux prix et, en 2017, Carol Shaw se voit récompensée du prix de l’Icône de l’industrie lors des Game Awards. Une véritable légende du jeu vidéo.
Mabel Addis - Créatrice du premier jeu PC
Cette information est difficilement vérifiable, mais il est possible que les premiers jeux sur lesquels Carol Shaw a posé les mains aient été imaginés par Mabel Addis. On associe rarement le début du XXe siècle au développement informatique, et pourtant. Même si elle a vu le jour en Virginie en 1912, Mabel Addis fait partie (probablement sans le savoir) des grands esprits du jeu vidéo.
Après ses études, elle devient professeure dans une école rurale. De longues années plus tard, comme elle est très impliquée dans de nombreuses associations liées à l’enseignement, IBM vient la chercher pour participer au programme éducatif Boards of Cooperative Educational Services. Au sein de ce groupe, ils créaient The Sumerian Game, un ancêtre des jeux de gestion et des jeux de texte. On y incarne un souverain de la ville de Lagash, en Mésopotamie, au cours de plusieurs phases historiques de la cité. Entre un jeu éducatif et l’arrière grand-père de Civilization, on est sur une des fondations des jeux que l’on connaît aujourd’hui.
Roberta Williams - Créatrice du point’n’click
Si Mabel Addis est la précurseure du jeu éducatif/jeu de gestion/jeu PC de manière générale, Roberta Williams a pris le relais avec l’invention du point’n’click. Née en 1953 (en Californie, comme Carol Shaw), elle est décrite comme une enfant timide à l’imagination débordante.
Une fois ses études derrière elle, Roberta va travailler successivement comme opératrice informatique (principalement entrer des commandes pour différentes entreprises) et programmatrice. En dehors du travail, elle achète un Apple II pour elle et toute sa petite famille. Avide de jeux textuels (comme Colossal Cave Adventure), elle s’en inspire et fait part de ses idées sur ce que devrait être un jeu à son mari. Celui-ci se charge du code, et elle de la fiction et du scénario pour développer des jeux soutenus par des graphismes. Leur association donne finalement naissance à plusieurs jeux comme Mystery House ou Wizard and the Princess, inspirés notamment par Agatha Christie, on enquête, non plus grâce au texte mais à la souris. La société Sierra, connue notamment pour King’s Quest, voit le jour quelques années plus tard.
Roberta Williams prend sa retraite en 1999, avec 18 années d’efforts et 20 jeux apposés sur son CV. En 2014, comme Carol Shaw, elle reçoit aussi le prix d’Icône de l’industrie aux Game Awards.
Doris Self - la première (et la plus âgée) joueuse compétitive
Née en 1925, Doris Self n’a pas eu grand chose à voir avec le monde du jeu vidéo pendant une grande partie de sa vie (il faut aussi préciser qu’à l’époque, et bien… ça n’existait tout simplement pas). À l'âge de 19 ans, elle devient hôtesse de l’air. Fait d’armes un tantinet hors sujet vis-à-vis de l’article, elle est une des premières femmes à remplir ce rôle au sein de la Eastern Air Lines.
Après une carrière bien remplie (l’avion dans lequel elle avait l’habitude de travailler est désormais suspendu au plafond du musée du National Air et Space Museum), elle crée les “Silver Liners”, la première association d’anciennes hôtesses (oui, Doris est une pionnière). En parallèle, elle découvre le gaming, et à 58 ans, devient la plus vieille “championne du monde de jeu vidéo”. Sa spécialité ? Q*bert, une borne d’arcade et un jeu d’escalade pyramidale ressemblant (un peu) à Pac-Man. En 2007, son nom est ajouté au Guiness Book des Records en tant que joueuse compétitive la plus âgée.
Kim ‘Geguri’ Se-yeon - la première joueuse pro sur Overwatch
Kim Se-yeon, aussi connue sous le nom de Geguri, a beau être une pionnière au même titre que les autres femmes présentes sur cette liste, elle n’a aujourd’hui que 24 ans. Née en 1999 en Corée du Sud, elle est tout simplement la première joueuse professionnelle a rejoindre une organisation dans l'Overwatch League.
Habituellement, les jeux compétitifs comptent des sections féminines et masculines. Mais du fait de son niveau de jeu stratosphérique, les équipes n’ont pas hésité une seconde à lui proposer un poste au milieu d’une équipe masculine. Trois fois de suite, elle remporte le titre d’OWL midseason champion avec les Shanghai Dragons.
Kim Swift - un pilier de l’industrie
Diplômée du DigiPen Institute of Technology, Kim Swift et d’anciens camarades développent Narbacular Drop, un jeu dans lequel la boucle de gameplay repose sur des portails (ça te dit quelque chose ?). Quelques années plus tard, ils le présentent à Valve (toujours rien ?). Ce jeu va pousser la firme d’Half-Life à embaucher Kim, qui participera ensuite activement au développement de (roulement de tambour)... Portal. Et attention, elle est recrutée par personne d’autre que Gabe Newel, le PDG de l’entreprise. Sur Portal, elle est d’ailleurs la directrice de l’équipe de développeurs ainsi qu’une des level designers. Elle travaille ensuite sur Left 4 Dead (et sur sa suite) avant de partir chez Amazon, Electronic Arts, Google puis Xbox Game Studios.
En 2020, elle présente la 20e cérémonie des Developers Choice Awards. Elle est aussi au centre d’un documentaire présentant les figures les plus influentes de l’industrie vidéoludique. Plutôt pas mal comme CV.
Évidemment, cette courte liste ne fait pas honneur à toutes les femmes qui ont fait avancer le monde du jeu vidéo. Si aujourd’hui, le nombre de développeuses est en (légère mais constante) augmentation, ce n'est pas pour rien, et c’est tant mieux.