Jumanji m’a appris qu’à tout moment, je pouvais être aspiré dans l’univers d’un jeu. Mais qui aurait cru que celui de Mario Party serait si difficile…
C’est un soir d’octobre, peu après mon anniversaire, que tout a commencé. Tout partait pourtant comme une journée ordinaire : j’ai vu mes potes, on a traîné en ville, je les ai saoulés pour me laisser passer vite fait chez mon pourvoyeur de jeux vidéo sûr pour choper Mario Party Superstars. Les plus tranquilles sont rentrés, les plus motivés m’ont suivi dans mon petit appart pour quelques parties où j’ai comme d’habitude joué mon fidèle Luigi. Des éclats de rire, des vannes, des menaces, des chips lancées à travers la pièce : quelques parties normales plus tard, tout le monde s’est barré. Entre temps cependant, le vent menaçant au dehors s’était transformé en véritable tempête. Ma fenêtre s’est ouverte brusquement, trop faible pour supporter la rafale, et un éclair a traversé la pièce. En un flash blanc, je l’ai vu toucher ma Nintendo Switch, avant que tout ne devienne noir autour de moi…
Turtle Game
Je me suis réveillé au doux son des clapotis des vagues et l’odeur salée des embruns. En me levant cependant, je n’ai pas reconnu la côte Basque de mon enfance, mais ce qui m’a semblé être une île tropicale luxuriante et chatoyante. Avec quelques ajouts tout de même, à commencer par les trois camarades qui m’entourent alors : une princesse blonde tout de rose vêtue, un dinosaure vert à la langue bien pendue et un énorme gorille avec une cravate rouge. A cette vision, une peur viscérale a parcouru ma colonne vertébrale, avant que ma logique réussisse à rattraper mes émotions : il s’agissait de Peach, Yoshi et Donkey Kong. Trois personnages qui me sont familiers sur ma télévision, mais pas à mes côtés. Alors qu’ils me regardaient comme s’ils attendaient quelque chose de ma part, j’ai petit à petit commencé à accepter l’évidence : j’ai été transposé dans l’univers de Mario Party.
Une effervescence toute naïve s’empare de moi : je vais faire des checks à DK ! Chevaucher Yoshi ! Planer avec Peach et son ombrelle ! Mais le bonheur est vite coupé par l’arrivée de Lakitu qui me lance un gigantesque dé à mes pieds. Par ce simple geste, je comprends tout à coup que si mes compères sont restés si silencieux et inanimés jusque là, c’est parce qu’ils n'attendent qu’une chose de moi : que je lance la partie. Sans trop y réfléchir, j’ai saisi l’immense dé et l’ai lancé au loin avant d’aller me placer sur la case qui m’a été assignée. L’espace auparavant sans vie du plateau s’est tout à coup animé. Alors que des pièces sont apparues au-dessus de ma tête, j’ai pu observer mes alliés eux-mêmes lancer leurs dés et aller se caler non loin.
Mon subconscient m’a surpris à comprendre la suite avant que mon conscient ne puisse s’en emparer. Mon cœur s’est soudain emballé face à la compréhension de l’inéluctable : la prochaine étape est un mini jeu. C’est au même instant que je me suis senti téléporté au-delà de moi-même. En un clin d’œil, me voilà perché sur une large plateforme arrondie en compagnie de Yoshi et Peach. Et face à moi, un Donkey Kong tout sourire, virevoltant dans les airs, un gigantesque marteau tenu par ces deux massives mains. La chaleur étouffante du lieu m’éprend soudainement : je suis debout sur la surface du soleil ! Des gouttes de flamme prennent vie devant mes yeux alors que le regard du primate me fixe tout à coup et ses muscles se bandent : son marteau ne tardera pas à me retirer la fragile plateforme sur laquelle je me tiens. Mes yeux sont capables de suivre ce mouvement, mais mon corps est paralysé par la peur. Sans que je ne puisse sauter, me voilà propulsé avec la plateforme au cœur du volcan. La chaleur déjà suffocante envahit mes narines alors que le feu lèche, mord, lacère mon corps et mon esprit s’abandonne à la folie, incapable d’encaisser une douleur qu’il ne savait pas même possible.
Je me réveille au doux son des clapotis des vagues et l’odeur salée des embruns. Debout sur ma case, je comprends que je viens de vivre l’expérience de la mort. La résurrection qui m’est offerte n’enlève rien au traumatisme que je viens de subir. Lakitu revient me jeter un dé aux pieds, mais je n’en ai cure : je veux absolument fuir cet univers maudit qui ne m’apportera que souffrance. Il n’en sera rien pour autant. Des forces invisibles m’empêchent de bouger au-delà de ma case. Piégé sans espoir de sortie, je n’ai qu’une action possible : continuer la partie.
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