One Piece, c’est aujourd’hui 460 millions de mangas vendus dans le monde et une foule de produits dérivés à la popularité exceptionnelle. Série animée, jeux vidéo, figurines… L’œuvre est partout. Mais qui est Eiichiro Oda, son papa ?
On connaît tous Luffy, l’aventurier qui crie sur tous les toits son rêve de devenir le roi des pirates. Des millions de fans ont dévoré les 95 premiers tomes du manga, tandis que les amateurs d’animes ont eu le droit à plus de 900 épisodes en un peu plus de vingt ans. Derrière ce succès record se cache un auteur discret, Eiichiro Oda. Qui est ce japonais de 45 ans qui rafle tous les prix depuis deux décennies ? Portrait d’un mangaka hors-normes…
Je serai le roi des mangakas !
L’enfance d’Eiichiro Oda est semblable à celle de millions de jeunes japonais. Il naît le 1er janvier 1975 à Kumamoto et comme beaucoup, se passionne rapidement pour les mangas. Son père étant lui-même amateur d’art et peintre à ses heures perdues, le petit Eiichiro décide très tôt de son sort : il sera dessinateur de mangas. Ses influences sont multiples, de The Monster Kid à Captain Tsubasa (alias Olive et Tom) en passant par Vicky the Viking, une série européenne qui lui révèlera son amour pour l’univers des pirates. En dévorant les pages du Weekly Shonen Jump, il découvre également la célébrissime saga Dragon Ball qui fait ses débuts en 1984. C’est le coup de foudre. La création d’Akira Toriyama marque au fer rouge l’esprit de notre mangaka en herbe et restera pour lui une grande source d’inspiration.
Il commence d’ailleurs à concevoir ses premiers mangas durant cette période, se penchant notamment sur ces fameux pirates qui le fascinent tant. On est encore loin de One Piece, c’est sûr, mais les idées commencent à germer. Toujours aussi féru du Weekly Shonen Jump, il découvre à l’âge de 17 ans le concours des Tezuka Awards qui récompense les meilleures créations amateures. Possède-t-il un véritable talent pour le manga ? Il compte bien le découvrir en envoyant au magazine nippon sa participation, une aventure western réalisée en quatre mois et baptisée Wanted! Pour son plus grand plaisir, le jury lui attribue le prix réservé aux œuvres de "deuxième ordre", soit 500 000 yens. Quelque mois plus tard, Wanted! devient le premier manga publié d’Oda… et sa première réussite notable. Il enchaîne ensuite avec deux autres oneshots en 1993 et 1994, God's Gift for the Future et Ikki Yako.
Dans la cour des grands
Malheureusement, cet amour du manga est chronophage. Le jeune Eiichiro Oda vient d'entamer des études d’architecture à l’université Kyushu Tokai, mais doit se rendre à l’évidence : concilier les deux ne sera pas possible. Sa décision est prise, il abandonne l’école pour se consacrer exclusivement à sa carrière de mangaka naissante. Il se rend ainsi à Tokyo et entre définitivement dans ce petit monde par l’intermédiaire du fameux magazine Shonen Jump. Durant près de trois ans, il va affiner sa plume et ses feutres en devenant assistant sur diverses productions de niveau professionnel. Midoriyama Police Gang, Jungle King Tar-chan, Kappaman et Kenshin le vagabond font partie des œuvres auxquelles il contribue. Il se fait par ailleurs déjà remarquer pour son fort caractère et n’hésite pas à envoyer balader quelques artistes seniors.
Fort de l’expérience acquise auprès de ces auteurs reconnus, il continue à développer ses propres créations. Pourtant, hormis Monsters paru en ’94 dans un numéro spécial du Shonen Jump, chacune de ses propositions est rejetée par son responsable. Une période difficile pour Oda qui commence sérieusement à douter de son talent. Brouillon après brouillon, le refus devient de plus en plus dur à accepter et l’ultime question commence à faire surface : est-il vraiment fait pour créer des mangas ? Alors qu’il vient de fêter ses 21 ans, le jeune dessinateur se replonge dans ses premières œuvres avec un brin de nostalgie. Il retrouve un vieux concept, une histoire de pirates inspirée par la série qu’il aimait tant lorsqu’il était enfant, Vicky the Viking. Tentant le tout pour le tout, il dépoussière ce prototype pour en faire un essai de 50 pages baptisé Romance Dawn. Sur la couverture, une tête de mort affublée d’un chapeau de paille, et dans les cases, un certain Monkey D. Luffy…
One Piece ou la libération
Enfin ! Pour la première fois depuis 1994, Eiichiro Oda parvient à séduire son rédacteur en chef. Romance Dawn lui inspire quelque chose et c’est donc tout logiquement qu’il finit par le publier dans les pages du Shonen Jump Summer Special en août 96. L’accueil du public est très chaleureux et un homme du nom de Takanori Asada vient alors lui faire une proposition en or : un créneau s’est libéré dans le Weekly Shonen Jump. Une publication hebdomadaire dans le magazine le plus populaire du genre au Japon ? C’est le Saint Graal dont de nombreux auteurs rêvent toute leur vie ! En tout juste deux semaines, il réalise une nouvelle mouture de Romance Dawn qui régale les lecteurs de la revue. En mai 1997, c’est décidé, cette histoire de pirates intègre définitivement les pages du Weekly Shonen Jump et dépasse toutes les attentes.
À partir de là, tout s’accélère. Le titre change pour "One Piece" et c’est la route du succès qui s’ouvre pour Oda. Un premier OAV sort dès 1998, puis une série produite par la prestigieuse maison Toei Animation l’année suivante. Les histoires de Luffy, Zoro, Sanji, Nami et tout l’équipage du Chapeau de Paille font le tour de la planète, atteignant au fil des années le statut de manga le plus populaire au monde. Un véritable marathon de 23 ans pour notre mangaka qui avoue volontiers travailler plus que de raison, s’adjugeant en moyenne trois heures de sommeil lorsqu’il planche sur One Piece. Autant dire qu’il attend la retraite avec une certaine impatience…
Et justement, que fera-t-il après tout ça ? L’enfant de Kumamoto a d’ores et déjà annoncé qu’il aimerait se lancer dans une histoire de robots, mais l’imagine pour le moment assez courte. Quoi qu’il en soit, cela ne se fera pas avant la fin des aventures de Luffy qui devrait survenir en 2021 ou 2022 selon de récentes révélations de l’auteur.