De Marvel à DC puis Marvel : l'étrange aventure de James Gunn
Dossier
PUBLIÉ LE 28 juil. 2021

De Marvel à DC puis Marvel :
l'étrange aventure de James Gunn

Crédit : DC Films
Selim K.
Selim K.
Auteur Micromania-Zing
PUBLIÉ LE 28 juil. 2021
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Dans la guerre ancestrale que se livrent Marvel et DC Comics, il est difficile d'imaginer qu'un(e) individu(e) puisse faire parler son talent pour les deux entités à la fois. Mais cette pseudo rivalité, James Gunn n’en a que faire, bien que ses aller-retours soient marqués de controverses et pas tellement volontaires.

Pour un fan hardcore de comics, encore plus s’il se dresse en grand défenseur d’un des deux univers que sont DC et Marvel, James Gunn doit se poser comme un ovni coupable de blasphème. Il suffit de taper son nom sur Google pour s’apercevoir - au-delà des premières (très bonnes) critiques sur The Suicide Squad - que la première information qui en ressort est sa volonté d’établir un crossover entre les personnages des deux mastodontes du comics. Parce que, oui, avant de nous servir les nouvelles aventures de Harley Quinn & co, le monsieur nous avait déjà offert un premier film absolument succulent avec Les Gardiens de la Galaxie. Puis une suite 3 années plus tard.

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Crédit : DC Films

Une hérésie aux yeux de certains, mais le réalisateur qu’est James Gunn voit les choses autrement. Le monsieur a côtoyé les deux milieux directement de l’intérieur. Et, quand un fan lui demande sur Twitter ce qu’il pense de la rivalité entre DC et Marvel, en le renvoyant vers la vision d’opposition des fans, Gunn répond de lui-même, en surprenant son monde aussi bien sur le réseau du petit oiseau bleu que lorsqu’on découvre ses œuvres sur la grande toile : “Honnêtement, je ne me souviens pas que quiconque chez Marvel ou DC ait jamais condamné l'autre société. Je pense qu'il y a probablement un peu moins de concurrence entre Marvel et DC qu'entre Marvel ou DC et tous les autres films. Après tout, nous sommes dans des bateaux très similaires, relativement parlant”. On touche à un élément qui caractérise parfaitement le bonhomme : dans ses réalisations comme dans son verbe, James Gunn frappe toujours là où on ne l’attend pas, et très souvent avec pertinence. Au point de faire de Marvel et DC deux entités jumelles dans la bataille face au reste du monde. Certains - toujours les mêmes - appellent ça du culot, d’autres le voient comme une réalité à boire au goulot.

De gardien de la galaxie à ordure de l’univers

Ses premiers pas dans le monde des super-héros, Gunn les a effectués avec une licence à l’époque méconnue, qui dépeint les aventures des joyeux trublions que sont les Gardiens de la Galaxie. Star-Lord, Groot, Rocket : tous ces excellents personnages le sont en grande partie grâce à la vision que le réalisateur cultive. Entre scènes cultes et développement de personnages captivant, Gunn a placé ses gardiens comme les super-héros les plus attachants du MCU. Son carton au box-office en atteste. Alors même que c’est le premier de l’univers estampillé Marvel à ne présenter aucun membre des Avengers. Gunn se retrouve alors sur le toit de la galaxie super-héroïque du grand écran, profitant de la hype et des plans bien ficelés de Marvel, pour nous régaler d’un deuxième volume qui rencontre un succès commercial encore plus grand. À ce moment-là, rien ne peut arrêter le natif de Saint-Louis. Sauf lui-même.

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Crédit : Marvel Studios

Il y a des réveils qui ont des goûts plus amers que d’autres. Le frère de Sean Gunn peut en témoigner, puisque l’ascenseur qui l'élevait à vitesse grand V vers les sommets de la réussite a brutalement chuté. Comme si le fil tendu de ce complexe ensemble mécanique avait subitement lâché. En cause : plusieurs tweets du passé d’un humour proportiellement noir aux couleurs chatoyantes de ses œuvres. Enfin, quand on dit ses œuvres, on parle évidemment de ses productions Marvel. Parce que ses réalisations antérieures étaient taillées dans le même bois que les tweets qui lui étaient reprochés à l’époque. Reprenant son style hardcore caractéristique. Sauf que pour Disney, humour ou pas, l’artiste a fauté. Lourdement d’après les décisionnaires qui ont fait le choix de s’en séparer immédiatement. Tant et si bien qu’il voyait cette cage d’ascenseur le mener à une mort certaine, comme il l’a indiqué dans une entrevue pour le New York Times : “C'était incroyable. Et pendant un jour, c'était comme si tout était parti. Tout était parti. J'allais devoir vendre ma maison. Je n'allais plus jamais pouvoir travailler. C'est ce que j'ai ressenti”. Mais, au fond, tous ses personnages se sont déjà cassés la gueule avant de briller. Et Monsieur Gunn a bien fait de s’en inspirer.

Comme l’un de ses super-héros, il a réussi à stopper la chute in-extremis, juste avant le grand crash de l’édifice de sa vie. Mais, toujours comme les personnages héroïques qu’il met en scène, il n’a pas réalisé cette prouesse seul. Ses sidekicks dans cette épreuve ? Star-Lord, Gamora et Drax. Ou plutôt Chris Pratt, Zoe Saldana et Dave Bautista, sans compter le nombre incroyable de fans de la communauté Marvel. En pleine tourmente, James Gunn a pu compter sur le soutien inconditionnel de stars dont les noms ont beaucoup plus d’écho que le sien. Des personnalités publiques venues retenir le fil métallique qui a cédé sous le poids de la polémique. Leurs efforts conjoints ont permis de déposer ces quelques bouts de tôles au rez-de-chaussée, limitant les dommages constatés, sauvant leur ami d’un destin potentiellement atrophié. James Gunn, tout proche du sommet, s’est ainsi retrouvé dans le hall d’entrée et non six pieds sous terre. D’ici, il a pu laisser germer le projet d’une nouvelle ascension, mais pas question de remettre les pieds dans un quelconque ascenseur, direction la porte des escaliers portant le sigle DC.

De zéro à héros

Après quatre longues années dans la tourmente, Gunn a pu se remettre en selle en chevauchant l’étalon de l'écurie concurrente. Un si grand talent n’est pas fait pour rester dans la pénombre, et s’il y en a un qui l’a compris, c’est bien Peter Safran, producteur de The Suicide Squad : “La raison pour laquelle le studio était si désireux de travailler avec James est qu'il apporte tout ce qu'il peut apporter : la comédie, le cœur, l'action, le look... Il avait une vision très spécifique du film, qu'il a présenté dès le premier jour comme un film de guerre des années 1970". Encore une fois sa vision a fait mouche, et à lire les premières critiques du film qui commencent à envahir la toile, il se peut qu’elle soit gage d’une nouvelle réussite incroyable. Alors que sa carrière était aux portes de la mort, James Gunn s’est élancé dans une mission suicide pour avoir le droit à la rédemption. Finalement, c’est peut-être lui qui incarne le mieux ses héros.

Son image lavée et son talent créatif toujours intact, il a également été contacté pour reprendre son rôle de réalisateur sur Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 prévu pour 2023. C’est ainsi qu’il fait son retour dans la grande machine Disney, cette fois pas par la petite porte synonyme de renaissance, mais en franchissant la grande avec prestance.