Nous connaissons tous Dragon Quest, une série que nous associons immédiatement à la firme Enix. Cette société japonaise ne s’est pourtant chargée que de la production de ce best-seller, son développeur étant le discret studio Chunsoft…
Chunsoft, c’est un petit peu le faiseur de l’ombre. Celui qui aura offert aux maisons Enix, Square, Bandai et Nintendo quelques-uns de leurs plus grands succès. En dehors des premiers Dragon Quest parus dans les années 80, la firme est également à l’origine de la franchise Donjon Mystère, qui inspirera une foule d’excellents spin-offs au fil des ans. Focus sur cette entreprise aussi méconnue que talentueuse…
La Dream Team de Nakamura
Tout débute en 1983, alors que le Japon commence à goûter aux joies des micro-ordinateurs personnels. Le PC-8801 de Nec connaît son petit succès et réunit autour de lui toute une scène de jeunes développeurs en herbe. Parmi eux : Koichi Nakamura, étudiant à l’université d'électro-communication de Tokyo et Yuji Hori, auteur pour différents magazines, comme le célèbre Weekly Shonen Jump. Très attirés par le jeu vidéo, ils décident chacun de leur côté de participer à un concours organisé par l’éditeur Enix, dont le but avoué est de dénicher les talents de demain. Tous deux gagnants, ils se rendent alors à la cérémonie de remise des prix et font connaissance. Nakamura est un programmeur de génie, Hori, un journaliste très inspiré et talentueux – l’alliance est parfaite.
Quelques mois plus tard, le magazine Weekly Shonen Jump a une idée un peu folle : dévoiler à ses lecteurs le processus de fabrication d’un jeu vidéo. À qui s’adresser ? Pourquoi pas Yuji Hori ? Après tout, sa victoire au concours de développement lui a ouvert les portes d’Enix. Banco, le journaliste et programmeur propose à son partenaire éditeur un jeu de rôle fantastique, genre plutôt occidental qu’il compte bien mettre au goût des japonais. Enix valide le projet et se félicite d’avoir le droit à une couverture aussi importante de la part du Weekly Shonen Jump. Hori appelle en renfort Koichi Nakamura, ainsi que le mangaka Akira Toriyama, papa de Dragon Ball, afin de développer le tout sous le nom de Chunsoft. En 1986, Dragon Quest fait ainsi ses débuts sur Nintendo Famicom et, comme vous le savez, c’est un succès retentissant qui posera les bases du J-RPG et marquera la naissance d’une série écoulée à plus de 80 millions d’exemplaires à ce jour.
Du Donjon Mystère à toutes les sauces
Mais cette alliance extraordinaire ne dure que le temps de cinq épisodes de Dragon Quest. La licence appartient en fait à Enix, qui décide de confier le développement des opus suivants aux studios Heartbeat, puis Level-5. Hori part de son côté pour s’occuper de superviser ces futurs épisodes, tandis que Nakamura se retrouve seul à manœuvrer le bateau Chunsoft. Après ce raz-de-marée, le studio ralentit sa production et ne sort que cinq petits jeux entre 1992 et 1998. Des visual novels, principalement, mais aussi l’excellent Torneko no Daibōken : Fushigi no Dungeon. Il s’agit d’un spin-off de Dragon Quest mettant en scène Torneko, marchant du quatrième opus bien décidé à accroître sa fortune. Pour ce faire, il doit parcourir des donjons générés aléatoirement, à une époque où le rogue-like si cher à la scène indépendante actuelle était loin d’être courant. Un nouveau best-seller qui finira par devenir le gagne-pain de Chunsoft pour les années à venir.
Durant les décennies 90 et 2000, l’entreprise développe plusieurs spin-offs de Dragon Quest pour Enix et la série des Chocobo's Dungeon pour Square, tout en se réservant les bénéfices de sa franchise maison, Shiren the Wanderer. Une vingtaine de titres reprenant le fameux gameplay rogue-like créé quelques années plus tôt et qui continue de passionner le public. Mais un autre géant de l’industrie demande à profiter de ce succès : Nintendo. Dès 2005, Chunsoft se met à plancher sur Pokémon Donjon Mystère : Équipe de Secours Rouge et Bleue, titre qui s’écoule à plus de trois millions d’exemplaires sur DS. Un chiffre affriolant qui enclenche la création de plusieurs suites, dont les ventes sont également considérables. Sur les 22 productions publiées par la firme durant les années 2010, seules 6 ne sont pas des jeux Donjon Mystère, c’est dire la puissance de cette franchise.
Cette réussite finit par attirer les convoitises du géant DWANGO, qui rachète la société Chunsoft en 2012, avant de la faire fusionner avec l’entreprise Spike. Après 28 années de bons et loyaux services, le président Nakamura prend alors sa retraite, tandis que cette alliance sobrement baptisée Spike Chunsoft multiplie les sorties. L'Attaque des Titans, Danganronpa V3 : Killing Harmony, Jump Force… Autant de titres que nous devons à cette compagnie emblématique de l’industrie vidéoludique japonaise. Mais évidemment, ce que les fans attendent tous avec impatience, c’est le grand retour de la franchise Donjon Mystère. Pas de Dragon Quest, ni de Final Fantasy cette fois-ci, ce sont bien les Pokémon qui auront le droit à cet honneur avec Pokémon Donjon Mystère : Équipe de Secours DX, prévu pour le 06 mars sur Nintendo Switch.