Les jeux vidéo sont-ils des œuvres d’art comme les autres ? En mai 2011, le Fonds national pour les arts, une agence culturelle fédérale des États-Unis, a officiellement reconnu les jeux vidéo comme une forme d'art, pouvant donc être financée.
Un mois plus tard, le 27 juin 2011, la Cour suprême a statué que les jeux vidéo sont protégés par le premier amendement, comme la littérature. Mais en 2021, l’opinion publique sur la qualification ou non des jeux vidéo en tant qu'art ou même en tant que matériel culturel important reste divisée. Les musées, eux, ont déjà tranché : en 2012, le Museum of Modern Art (MoMA) de New York a ajouté quatorze jeux vidéo à sa collection, ce qui a suscité des critiques dans les médias. Dans le même temps, le Smithsonian a ouvert son exposition The Art of Video Games, avec 80 jeux. Et en avril 2016, le National Videogame Museum a ouvert ses portes au Texas. Mais comment exposer de telles œuvres ? Comment les préserver, et en même temps en faire profiter les visiteurs, désireux d’y jouer ? Tant d’un point de vue pratique que légal, éthique même, les jeux vidéo sont-ils des œuvres d’art comme les autres ? Et d’ailleurs, sont-ils des œuvres d’art ?
Un large débat
Ces questions ne sont pas nouvelles. Particulièrement la dernière, qui nous intéresse ici. L'approche et le traitement des jeux comme une forme d'art s'est, depuis le début, avérée très controversée, et matière à débat. Prenons par exemple les remarques de critiques influents comme Roger Ebert et Jack Kroll (deux critiques de cinéma qui s'éloignent donc ici de leurs attributions, mais passons). Tous deux n’ont cessé d’affirmer que les jeux sont avant tout une forme de… jeu, avec un accent sur les buts, les points et les résultats. L'œuvre, si le mot s’applique ici, existe donc non pas comme forme, mais comme instrument de plaisir, de compétitivité. Ils soutiennent ainsi qu'en tant qu'artefacts culturels, les jeux ne peuvent être comparés au travail de grands peintres, cinéastes et écrivains. Plus loin, dans les colonnes du prestigieux magazine Time, et sans se donner l’air de répondre directement à ces critiques, le journaliste Chris Melissinos écrit ceci : “La technologie a élargi la toile sur laquelle les artistes peuvent peindre et raconter leurs histoires. En tant que forme d'art qui n'existe que dans l'espace numérique, les jeux vidéo sont véritablement une collision entre l'art et la science. Ils incluent de nombreuses formes d'expression artistique traditionnelle - sculpture sous forme de modélisation 3D, illustration, arcs narratifs et musique dynamique - qui se combinent pour créer quelque chose qui transcende tout type”.
Et ici réside bien la complexité de cette question. Penser le jeu vidéo comme un Art (ce que l’auteur de ces lignes fait) implique de considérer l’Art, n’importe lequel, comme une matière mouvante. Si The Legend Of Zelda, son récit divinement écrit, ses personnages charismatiques, sa musique, ne font pas une oeuvre d’art, alors Toy Story, ses animateurs plantés derrière un ordinateur accumulant des pixels simulant le mouvement de créatures faites de 1 et de 0, n’est pas un film, ce n’est pas du cinéma. Le jeu vidéo est un Art, trop récent pour quelques esprits chagrins, trop modernes pour une compréhension datée. Que la question continue de se poser dépasse quelque peu l’entendement.