Aujourd’hui, on entend plus parler que de cross play et de support multi-plateformes. Mais comment cette tendance a-t-elle pris autant d’ampleur en si peu de temps ? Un point de rupture se détache particulièrement.
La tendance générale dans l’industrie, soutenue par le cri des joueurs, est de rendre tous les jeux en ligne cross play. “Cross play”, ça veut simplement dire que tous les modes multijoueurs en ligne sont accessibles qu’importe la plateforme. Ainsi, les joueurs PlayStation peuvent jouer avec leurs amis sur Xbox, les joueurs PC avec les consoles, en somme, tout le monde peut jouer avec tout le monde dans la joie et la bonne humeur. On l’a particulièrement vu lors de l’EA Play cette année : les grands éditeurs se lancent dans cette brèche et font grand cas de supporter ce mouvement. Mais pourquoi ?
Changement de direction
Il faut savoir que le cross play ne date pas nécessairement d’hier. Dès l’avènement du multijoueur, tous les joueurs rêvaient de pouvoir jouer avec n’importe qui. Cependant, tout n’a pas été possible du jour au lendemain. D’abord, le jeu en ligne a été réservé au PC qui par sa nature polyvalente et à la pointe de la technologie a fait naturellement évolué le jeu en réseau local vers le réseau en ligne. Puis le jeu en ligne a pénétré les consoles : on pense notamment à Phantasy Star Online 2 comme précurseur sur Dreamcast, mais la forme la plus grand public s’est retrouvée sur Xbox grâce à Halo et les débuts du Xbox Live.
La génération PS3 et Xbox 360 a été celle de l’explosion. Le genre FPS y a trouvé ses marques sur manette après avoir été un temps l’apanage du combo clavier/souris, et a donc apporté avec lui un aspect compétitif en réseau très marqué. Les succès populaires de Call of Duty et Halo 2 en ligne ont conduit toute l’industrie à chercher à avoir du multijoueur en ligne sur tous ses titres, même ceux… qui n’en profiteraient pas vraiment. Tout cela a grandi du même temps que les boutiques en ligne des consoles et les DLC, ce qui a autant favorisé les développeurs indépendants qu’intégrer le web comme une habitude de consommation normale auprès des joueurs.
Le jeu vidéo comme service
Il faut bien comprendre qu’à cette époque, le rêve du cross play existait déjà chez les joueurs. Cependant, il était généralement admis que les services en ligne étaient une forme d’exclusivité pour chacune des consoles. Pour les Sony, Microsoft et Nintendo de ce monde, que le consommateur choisisse la console “avec laquelle il pourrait jouer avec ses amis en ligne” était un argument commercial majeur. La génération PS4/Xbox One a toutefois connu une nouvelle tendance massive qui est allée à l’encontre de ce mode de pensée : le jeu en tant que service.
Les free to play ont toujours existé bien sûr, mais leur modèle économique période PS3/X360 n’a jamais véritablement su trouver les faveurs du public. Il faut dire que pour beaucoup, la mode était au “pay to win”, soit pousser le joueur à acheter des choses en ligne pour réussir à gagner, ou gagner bien plus que tous les autres. Après des années d’essais et d’erreurs, le modèle du “Battle pass” a enfin été trouvé. Le titre est (souvent) gratuit, les joueurs ne payent que pour des contenus cosmétiques, mais le gameplay en lui-même n’est pas véritablement affecté.
Un acteur pour nous libérer tous
Ce modèle économique sous entend la création pour les développeurs d’une base commune entre tous les joueurs et d’une boutique interne au jeu. De là, difficile de justifier encore l’exclusivité des plateformes pour le mode en ligne… mais encore faut-il faire entendre raison aux constructeurs. Et donc avoir du poids. Si le cross play a été réclamé plus d’une fois par de nombreux développeurs comme joueurs, il n’aurait pas su être définitivement accepté sans un éditeur et son jeu : Epic Games et Fortnite.
Inutile de rappeler le phénomène culturel qu’a été et continue d’être Fortnite. À son plus haut pic de popularité, Epic Games a profité de son élan pour briser les verrous du multijoueur en ligne. L’éditeur a annoncé supporter le cross play sur Fortnite entre toutes les plateformes sur lesquelles le jeu était disponible : PC, Nintendo Switch, Xbox One, Android, iOS… Une exception s’est cependant faite sentir temporairement : Sony. Sur PS4, le constructeur n’a ouvert la porte qu’aux joueurs PC. Mais tout cela n’a pas duré : la force de la communauté Fortnite a été telle que Sony a dû baisser les bras et laisser les vannes s’ouvrir.
Fortnite a créé le précédent dont avait besoin l’industrie entière pour permettre l’avènement du cross play. Grâce à son exemple, il n’était plus possible pour n’importe quel éditeur de refuser l’implémentation du cross play qu’importe le titre. Les développeurs qui pouvaient revenir sur leur copie rapidement pour le permettre, comme Psyonix avec Rocket League, s’en sont immédiatement donné à cœur joie. Quant aux autres, les plus anciens, installés, dont la taille les empêche de bouger aussi rapidement que les indépendants, on voit leurs premiers pas se faire à l’aube d’une nouvelle génération. La barrière ayant été brisée, il n’y aura plus de retour en arrière : le cross play est là pour durer.