Hideo Kojima est certes mondialement connu pour sa saga Metal Gear Solid ou pour son dernier bébé, Death Stranding, mais n’en oublions pas pour autant qu’il est le créateur d’un des jeux les plus étranges et méconnus des dernières décennies : l’attachant Boktai.
De son petit nom complet Boktai: The Sun is in Your Hand (contraction du japonais Bokura no Taiyô qui veut dire “notre soleil”), ce jeu vidéo de type action-RPG développé et édité par Konami, ancien havre de paix de Kojima, est sorti en 2003 sur Game Boy Advance. Vous incarnez Django, un chasseur de vampires et de morts-vivant parti venger son père. Classique. Mais l’intérêt est ailleurs. En effet, la cartouche est équipée d'un capteur solaire afin de modifier l'expérience vécue par le joueur. Comment ? Pourquoi ? Mais vous êtes fous ? Nous non, mais Kojima, oui, sans aucun doute.
La petite cartouche est donc photométrique (la photométrie est l'art de mesurer le rayonnement lumineux tel qu'il est ressenti par la vision humaine). Ainsi, en captant la lumière du soleil dans notre monde, le personnage du jeu, nommé Django en hommage au western spaghetti de Sergio Corbucci sorti en 1966, recharge ainsi son arme, le Gun Del Sol, un flingue fonctionnant tout naturellement à l’énergie solaire. Une jauge est présente à l’écran pour indiquer l’énergie du pistolet, tandis qu’une autre indique celle de la luminosité reçue par le capteur de la cartouche. Dans les faits, plus le soleil tape fort sur votre cou (mettez de la crème), plus le Gun Del Sol se rechargera rapidement, vous facilitant ainsi grandement la tâche face à vos ennemis. Mais n’en abusez pas trop, Boktai propose tout de même une alerte indiquant que vous venez de passer trop de temps en plein cagnard, et vous encourageant à faire une pause. De même, cette énergie solaire influe sur le comportement des ennemis et même sur certaines énigmes. Le jeu mémorise en effet votre position géographique et donc votre fuseau horaire. Si vous jouez à midi, vous avancerez plus aisément que de nuit. Mais vous pouvez évidemment acheter une lampe à UV pour tromper la cartouche, si le coeur vous en dit (la lumière du salon ne fera elle pas du tout illusion).
Boktaï se couche à l’Ouest
Malin ? Oui. Succès assuré ? Non. Sur les quatre épisodes que compte la saga Boktai, seuls les premier, deuxième et quatrième sont sortis en Occident, tandis que le troisième, qui clôt la première histoire, a été annulé en Europe et aux États-Unis. De plus, force est de constater qu’en 2020, plus grand monde ne se souvient de Boktai. La faute, d’une part, à des critiques mitigées, saluant certes l’audace et le talent de Kojima, mais patientant objectivement jusqu’à la sortie du prochain Metal Gear. La faute ensuite à une Game Boy Advance rapidement remplacée par la Nintendo DS, et donc à la disparition des cartouches, et forcément, avec elles, la mort du procédé photométrique, cœur de la saga Boktai, qui tentera de survivre le temps d’un épisode oublié. Mais surtout, au Japon, en 2003, il n’a pas fait beau.
C’est bête, mais c’est ainsi : l’été japonais est en effet cette année là une catastrophe. Il pleut tout le temps, il fait froid, souvent, et personne n’a donc vraiment envie de courir les rues pour espérer attraper quelques rayons et tuer quelques ennemis. Dommage, car Hideo Kojima, qui a déclaré vouloir avec Boktai encourager les jeunes gamers à aller jouer dehors plutôt que de rester enfermés, était encore une fois en avance sur son temps, en avance sur Pokémon GO et consorts. La marque des grands.