Si les noms d’id Software et Doom sont inséparables dans l’inconscient collectif, le premier grand coup d’éclat de la société texane n’impliquait ni Doom Slayer, ni Ranger, mais un certain William "B.J." Blazkowicz. Flashback.
Si Doom est le père du FPS, alors Wolfenstein 3D en est bien le grand-père. Un an avant son sanglant voyage sur Mars, l’équipe d’id Software publie en effet un titre mettant en scène un espion américain en mission pour détruire la dictature nazie. Le gameplay est là, assorti d’une vue à la première personne avec une arme au centre de l’écran. Le shooter moderne est né. Mais alors, pourquoi ce titre si influent de l’histoire du jeu vidéo passe-t-il si souvent à la trappe ? Probablement parce que son successeur l’éclipse totalement…
La prouesse technique de Carmack
Le studio id Software possède aujourd’hui une image de faiseur de titres ultra bourrins, presque parodiques. En réalité, si cet amour des productions sanglantes à souhait a largement participé à la renommé de l’entreprise, c’est avant tout pour ses innovations techniques qu’elle se fait d’abord remarquer. Wolfenstein 3D en est l’une des meilleures illustrations. Nous sommes alors au début des années ‘90 et id Software ne compte que quatre employés, dont John Carmack. Ce petit génie de l’informatique se pose une question : avec la puissance croissante des ordinateurs, ne serait-il pas possible de créer un jeu 3D calculé en temps réel ? Après six semaines de dur labeur, il peut affirmer que oui. À la grande surprise de ses collègues, il est parvenu à créer un moteur simulant un environnement en trois dimensions. Une véritable prouesse technique que le studio compte bien exploiter.
En décembre 1991, l’équipe se met ainsi à plancher sur un jeu d’action mettant en scène l’agent William "B.J." Blazkowicz. Son objectif : faire tomber l’empire nazi de l’intérieur. Nous le retrouvons donc infiltré dans le château Wolfenstein, un endroit aux murs recouverts de croix gammées et infesté de soldats allemands. Id Software n’y va pas avec le dos de la cuillère et inclut ainsi toute la symbolique du 3ème Reich, allant même jusqu’à nous faire affronter un Adolf Hitler en armure cybernétique en tant que boss final. Un choix qui induira évidemment de nombreuses critiques (et même une interdiction de vente en Allemagne), mais aura également pour effet de renforcer le bouche-à-oreille.
Un succès en appelant un autre…
Car oui, à la sortie de Wolfenstein 3D en mai 1992, les joueurs sont sidérés. Pour l’époque, pouvoir se déplacer aussi librement est un petit bouleversement, tandis que l’utilisation de l’iconographie nazie reste quasiment inédite dans le monde du jeu vidéo occidental. Malgré un circuit de distribution limité, le grand-père du FPS parvient à s’inviter sur plus d’un million d’ordinateurs en à peine deux ans. Un énorme carton pour le petit studio texan et une véritable révolution pour le monde du jeu vidéo. Car la loi de Moore fait son office et bientôt, la puissance de calcul grandissante des ordinateurs offre l’opportunité à John Carmack d’aller encore plus loin.
Après la publication de quelques extensions pour Wolfenstein 3D, id Software se remet au travail avec un objectif : faire encore mieux. Carmack met à jour son formidable moteur graphique, améliorant sa fluidité et ajoutant notamment les notions d’angle et de hauteur pour les murs. De leur côté, les créatifs du studio se tournent cette fois-ci vers la science-fiction et imaginent une aventure futuriste sur la planète mars. C’est ainsi qu’en décembre 1993, Doom voit le jour, entraînant l’équipe dans le tourbillon du succès. Violent, frénétique, addictif et multijoueur, le père du FPS entre dans la légende. Rapidement, id Software engrange plus de 100 000 dollars par jour, tandis que le casque du Doom Guy se retrouve dans tous les magazines. Cette nouvelle création est partout et parvient à faire oublier le très beau succès rencontré par Wolfenstein 3D un an plus tôt.
Alors oui, William "B.J." Blazkowicz restera le grand oublié de cette décennie propice à ce que l’on appellera bientôt les Doom-like, mais n’oublions pas : sans Wolfenstein 3D, Doom n’aurait jamais pu exister !