Le 7 mai 2004, Axel Gembe est réveillé à l'aube par une armée de policiers allemands. Le motif ? Être à l'origine de la fuite du code source d'Half-Life 2, un braquage informatique évalué à 250 millions de dollars par Valve. Un crime qu’il a avoué à Gabe Newell par mail, dans l'espoir d'être embauché par la boîte qu'il vient de pirater. Récit.
« Je suis vraiment désolé pour ce que je vous ai fait. Je n'ai jamais eu l'intention de vous faire du mal. Si je pouvais revenir en arrière, je le ferai (…) Vous êtes mon développeur préféré, et j'achèterai toujours vos jeux ». C'est par ces mots qu'Axel Gembe exprime, en 2011, ses regrets à Gabe Newell, fondateur de Valve. Retrouvé par le site Eurogamer, celui qui s'est fait connaître sous le pseudo « Ago » a changé de vie. Il a repris ses études et développe désormais des applications Windows pour gérer des systèmes de sécurité. Quatre ans plus tôt, il s'exprimait à la barre d'un tribunal allemand pour répondre de cybercrimes commis au début des années 2000, dont le piratage de Valve ayant mené au leak du code source d'Half-Life 2, alors en plein développement. Au bout de sept heures d'audience, le couperet tombe : reconnu coupable, Axel Gembe est condamné à deux ans de prison avec sursis. Mais pour ce jeune homme âgé de 21 ans au moment des faits, l'addition aurait pu être plus salée. Explications.
Le petit prince du malware
Axel Gembe a toujours tenu le même discours, quel que soit l'interlocuteur : il ne mesurait pas les conséquences de ses actes. Ni sur l'entreprise, ni sur ses employés qui accumulent déjà, à l'époque, du retard sur la livraison d'un jeu attendu par joueurs et observateurs. Le monde du hacking, il s'y est retrouvé un peu par hasard, en téléchargeant un générateur de clés pour Warcraft 3 contenant un malware. Au lieu d'éradiquer la menace de son PC, il tente de comprendre son architecture. En fouillant Internet et des canaux IRC, il lui vient une idée : « À ce moment-là, je ne pouvais pas me payer de jeux, rembobine-t-il à Eurogamer. Donc j'ai codé mon propre malware pour voler des clés d'accès. Je voulais jouer. Il est rapidement devenu l'un des plus gros malwares de l'époque, principalement parce qu'il exploitait des vulnérabilités de Windows. »
Da Valve Code
La situation dégénère quand l'Allemand s'introduit dans le réseau de Valve – grâce à plusieurs techniques avancées et incompréhensibles du commun des mortels - en quête de détails croustillants sur le sequel d'Half-Life. « J'avais, en gros, les clés du royaume » raconte-t-il. Il conserve l'accès aux serveurs de Valve pendant six mois, sans jamais être repéré, et finit par mettre la main sur le code source. Mais il n'est pas, selon ses dires, le responsable de sa diffusion massive sur Internet en septembre 2003, et qui a fait tant de mal médiatiquement à Valve. Pour une raison simple : il prouve que l'entreprise est très en retard sur son planning alors que le jeu doit être dévoilé onze jours plus tard. « Je n'ai pas réfléchi (…) Mais la personne à qui j'ai partagé le code m'a assuré qu'il le garderait pour lui. Il ne l'a pas fait. »
C'est pourtant bien lui qui contacte, en février 2004, le patron de Valve par mail pour revendiquer l'intrusion sous le pseudonyme “Da Guy”. « Il a déclaré qu'il a piraté le système de Valve Software dans l'unique but d'observer le développement d'Half-Life 2, résume un mémo du FBI que s'est procuré le site WIRED. De là débute une correspondance entre Gabe Newell et Axel Gembe et rapidement, ce dernier tente de gratter un job et envoie son CV. « J'espère que vous m'engagerez, écrit-il. Je ne suis pas une mauvaise personne, juste un peu égaré. »
Petites combines entre ennemis
Le FBI, qui a identifié Gembe grâce à l'échange de mails, imagine une combine : organiser un entretien téléphonique pour le faire passer aux aveux et détailler son mode opératoire, puis le faire venir à Seattle. L'objectif : l'arrêter sur le sol américain. Raté : la police allemande est la première à intervenir, en le cueillant à son domicile de Schönau im Schwarzwald le 7 mai 2004 au matin. « As-tu la moindre idée de la chance que tu as de ne pas être monté dans cet avion ? » lui demande le chef de la police à son arrivée au commissariat. Pas sûr.
Si les pertes de Valve se comptent en millions en 2004, l'histoire se termine bien. Trois ans plus tard, 8,6 millions de copies Half-Life 2 ont été écoulées. Un chiffre représentatif de la qualité du jeu, considéré (encore aujourd'hui) comme l'un des plus grands de l'histoire de l'industrie. Surtout par celui qui l’a illégalement dévoilé en avant-première au monde entier.