De nos jours, Mortal Kombat est considéré comme un concurrent emblématique de Street Fighter. Et pourtant, en 1991, quand le premier opus a été créé, c’était plutôt un titre rendant hommage à Jean-Claude Van Damme.
Retour en 1991. À l’époque, Midway Games investit Ed Boon, programmeur de 27 ans, et
John Tobias, dessinateur de 22 ans, d’une mission : concevoir un jeu de combat pouvant être
dévoilé dans 10 mois. Le challenge est complexe, et pour se faciliter la tâche, Boon et Tobias
complètent leur équipe de deux recrues. Ed Boon est revenu sur cette période dans une
interview pour le Nintendo Magazine : « Mortal Kombat a commencé avec quatre personnes en
1991 ; j'étais le seul programmeur, John Tobias et John Vogel étaient les deux seuls
graphistes, et Dan Forden était le seul designer sonore. C’est tout. ».
En réalité, la demande émane des producteurs d’Universal Soldier, qui souhaitent créer un
jeu basé sur le film. Mais Midway pense que ce serait plus amusant d’accorder une licence
dédiée à Jean-Claude Van Damme, véritable poule aux œufs d’or dans les nineties, et qui,
accessoirement, campe le rôle du personnage principal. L’idée d’Ed Boon ? Baptiser le jeu
« Van Damme », comme il le confie à Game Informer : « Nous voulions l'appeler Van Damme," dit
Boon. "Nous voulions juste voir d'énormes lettres, "Van Damme" quand tu passais [devant
les bornes d’arcade]. Tu ne pouvais pas laisser passer ça. ». Mais l’idée n’aboutit pas, et le
groupe se retrouve alors dans l’obligation d’inventer un nom de toute pièce.
Donnez-moi un K
S’en suit une longue période de brainstorming, où naissent des idées toutes plus saugrenues les unes que les autres : « Kumite était en haut de la liste. Dragon Attack, qui était une chanson de Queen ... Death Blow, Final Fist... Tous ces noms de films d'arts martiaux presque clichés. » Carrément même. Dans l’impasse, l’équipe finit par se fixer sur le mot Combat, qui sera modifié par la suite, comme le raconte Boon : « À un moment donné, l'équipe a écrit "Combat" sur le tableau, pour finalement le changer en "Kombat". Pourquoi le K ? "Juste pour être différent. Pour que ça ait l'air unique. ».
Le nom définitif est trouvé grâce à Steve Ritchie, un concepteur de flipper, qui remarque le « KOMBAT » écrit en lettres capitales dans le bureau de Boon : « Il m’a dit : "qu'est-ce que c'est ? Et j'ai répondu : ‘Nous essayons de trouver un nom, c'est Kombat’. » Et il m’a dit : « Pourquoi tu ne l'appelles pas Mortal Kombat ? ». Oui, le nom de l’une des franchises les plus populaires du globe est née d’une simple discussion entre potes.
JCVD n’a pas été oublié
À ce stade, l’idée d’ajouter Jean-Claude Van Damme trotte toujours dans la tête des développeurs. Un personnage est conçu en son honneur : Johnny Cage, une star de cinéma narcissique, ayant le même dress code que l’acteur dans la scène finale de Bloodsport (1988) lorsqu’il affronte le sumo. Ayant les mêmes initiales que JVCD, Cage apporte une touche comique à la franchise. Un élément indispensable pour contraster avec l’aspect gore du jeu, choisi pour se différencier de Street Fighter, comme l’explique Boon : « On s’est dit : Faisons la version bad boy de ce jeu. Faisons quelque chose avec du sang. Une sorte de version MTV de Street Fighter. ». Une approche qui fonctionne, puisque Mortal Kombat suscite un réel engouement à sa sortie, tout en provoquant quelques remous au niveau social et politique.
Au début des années 90, la violence du titre fait débat au Congrès des États-Unis. La
polémique débouche sur la création de l’ESRB (Entertainment Software Rating Board), un
organisme de classification des jeux vidéo selon l’âge : l’équivalent américain de notre PEGI.
Les polémiques n’impactent pas vraiment négativement le développement de la franchise.
Au contraire même. Pour Boon et sa bande, c’est de la publicité gratuite. Sur borne d’arcade,
Mortal Kombat ne s’écoule « qu’à » 30 000 exemplaires, et reste bien loin des 200 000 de
Street Fighter II. Mais si l’on compare les chiffres de ventes sur Mega Drive, la tendance
s’inverse : 2,67 millions de titres vendus pour Mortal Kombat contre 1,66 millions pour le jeu
de Capcom. Une sacrée réussite pour un jeu conçu à quatre, et sans l’aide de Jean-Claude
Van Damme.