Conduire une Peugeot 206 avec des néons et des flammes sur les portières, ça faisait rêver en 2003 ? Oui, selon Electronic Arts, qui a repensé la série Need for Speed en profondeur en troquant des Lamborghini contre des Honda Civic. Un choix payant.
C’est difficile à croire, on vous l’accorde, mais il fut un temps où Need for Speed misait sur le réalisme. C’était en 1994, l’année où Electronic Arts dévoile The Need for Speed, premier épisode d’une série qui a marqué plusieurs générations. Le concept est simple : offrir la possibilité à chacun de rouler en Lamborghini ou en Dodge Viper sur des circuits ouverts, tout en semant les flics. Mais surtout retranscrire fidèlement la sensation de vitesse au volant d’un tel bolide. Pour ce premier volet, EA collabore donc avec Road & Track - une revue automobile américaine - pour reproduire fidèlement le comportement des voitures. La formule fonctionne, à tel point qu’elle ne changera pas, ou peu, pendant une décennie. Jusqu’en 2003, avec la sortie de Need for Speed Underground.
L’effet Fast & Furious
Neuf ans plus tard, l’ADN de la série n’a pas changé mais le monde, oui. En 2001, Fast & Furious a cartonné au box-office et généré plus de 200 millions de dollars au niveau mondial. À cause (ou grâce, c’est selon) de Vin Diesel, le tuning redevient tendance, et surtout accessible pour le type lambda qui rêvait de prendre le volant d’une Ferrari. Ce constat, EA le fait très tôt. « La marque Need for Speed est née de cette idée : prendre le volant d’une voiture de sport est le rêve de tous les gens qui ont déjà conduit ». explique Chuck Osieja, producteur exécutif de Need for Speed Underground, à IGN. « Si vous aimez les voitures, vous voulez posséder une Ferrari, une Lamborghini ou une Porsche, c'est l'expérience de conduite ultime. Il y a un fantasme associé à ces voitures. Malheureusement, la réalité est que la plupart des gens n'auront jamais assez d'argent pour garer une voiture à un million de dollars dans leur garage. ».
Des bagnoles accessibles financièrement
Au début du second millénaire, EA ne mise plus sur le réalisme du gameplay donc, mais sur la réalité sociologique. « On a constaté que les gamins ont remplacé le fantasme de posséder une Ferrari par la réalité de leur situation économique. » poursuit le producteur. « Vous ne pouvez pas vous permettre d’acheter une Ferrari avec un salaire de fast-food. Ce qu'ils peuvent se permettre, c'est de lâcher quelques milliers d’euros pour s’offrir une Honda Civic d’occasion et de claquer quelques billets pour améliorer ses performances et construire la voiture de leur rêve. ». Le raisonnement - bien qu’un poil condescendant - se tient, et façonne la manière dont l’éditeur va envisager sa propre série pendant 15 ans.
Oubliez Ferrari ou Lamborghini. Dans Need for Speed Underground, le joueur prend le volant d’une Peugeot 206, Ford Focus ou d’une Toyota Celica. En gros, un véhicule pas très éloigné de celui qu’il conduit chaque jour pour aller au boulot. « On a bossé d'arrache-pied pour obtenir toutes les licences des constructeurs pertinents. » rembobine Chuck Osieja. « On a interrogé des gens qui sont très impliqués dans la scène tuning et écouté leurs recommandations ». Dans cette réalité alternative où la Volkswagen Golf devient beaucoup plus cool, le joueur a la possibilité de personnaliser sa voiture de A à Z. C’est grâce à cette feature que Need for Speed Underground se démarque, car chaque pièce est remplaçable : des suspensions aux ailerons en passant par le moteur. On conduit une bagnole un peu pourrie, certes, mais qui n’a rien à envier à une voiture de sport d’un point de vue performance. Et d’un point de vue style, aussi, pour peu qu’on ait du goût. Cerise sur le gâteau : la fonctionnalité augmente drastiquement la durée de vie du jeu qui ne propose, par ailleurs, pas vraiment d’histoire.
La vitesse, toujours
Les bagnoles ont changé, mais pas l’identité du jeu, qui reste très orienté arcade. L’objectif des développeurs n’a pas évolué : retranscrire fidèlement le sentiment de vitesse, contrairement à la concurrence. Car à l’époque, peu de studios sont capables de le faire sur les consoles de sixième génération. « Lorsque nous avons commencé à concevoir Underground, nous avons analysé les jeux de course commercialisés au cours des dernières années. Leur point commun était que, peu importe la vitesse à laquelle j’allais, je ne la ressentais pas » explique le producteur. « Quand vous roulez à plus de 160 km/h dans la rue, la sensation est incroyable. La tension, l'anticipation, la peur et l'adrénaline de passer devant des voitures, des immeubles et des lampadaires.. Cette expérience réelle n'a jamais été retranscrite dans un jeu vidéo. » Depuis, la vitesse, Need for Speed en a fait sa spécialité. Et que ce soit sur Need for Speed Underground en 2003 ou sur Need For Speed : Heat qui débarque le 8 novembre, elle a toujours été traitée à la perfection. Pas étonnant que la licence reste incontournable, 16 ans après.