Contrairement aux chercheurs australiens, américains, scandinaves et néerlandais, les chercheurs français commencent à peine à s'intéresser de façon positive à cet objet qu’est le jeu vidéo. Et à se poser les bonnes questions : le jeu vidéo peut-il soigner ? Et comment ?
Les jeux vidéos existent depuis presque 50 ans, et ils sont extrêmement présents dans la vie quotidienne de millions de personnes. Dès lors, ne peut-on envisager le jeu, non comme un problème (réflexion encore largement répandue, chez les parents comme les esprits obtus) mais comme une solution, mieux, comme un outil de guérison ? Michael Stora, né le 27 septembre 1964, est psychologue et psychanalyste. Il s’intéresse à l’objet numérique, à la fois en tant que sujet de recherche et en tant qu’outil. Pour lui, les Sims seraient “auto-thérapeutique”, et il l’utilise dans ses thérapies pour enfants.
“Nous vivons avec des écrans depuis trois générations. Et déjà l’écran de télévision était considéré comme un enjeu d’autorité ou de partage. À l’époque, on connaissait tous des parents qui avaient totalement interdit la télévision dans leur foyer. Avec l’avènement des nouveaux écrans, des jeux vidéo, d’Internet ou des réseaux sociaux, de nombreux parents se sentent débordés, voire épuisés. Car ces parents, qui sont eux-mêmes consommateurs d’écrans, veulent donner une image de parent idéal et aimant où l’enfant trouve sa place pour s’épanouir. Mais le plus souvent, les parents se retrouvent dans une situation paradoxale, avec d’un côté tous les écrans qui se trouvent dans leur foyer et de l’autre toute une cohorte de psy, d’addictologues qui ont adopté une position quasi moralisatrice envers les écrans. Ce qui a pour effet de renforcer le sentiment de confusion et de culpabilité chez ces parents”. Ainsi s’exprime Michael Stora (sur le site Bayam). Un long discours qui résume tant bien que mal une situation assez simple : les écrans (et donc le jeu) sont, encore et toujours, vus comme le mal. Michael Stora ne dit pas, nécessairement, le contraire, critiquant par exemple le principe même du like, du ranking (y voyant moins un plaisir de jeu qu’un besoin de s’exposer). Mais pour lui, la solution est sous nos yeux.
Le jeu vidéo plus fort que les mots
Dans les faits, cela donne l'École des Héros, où l’on crée des jeux vidéo pour s’en désintoxiquer. Installée à Sèvres, l’école a été créée en février 2020 par le psychologue dans le but de venir en aide aux adolescents souffrant d’une addiction aux jeux vidéo. Cela donne aussi l'Observatoire des mondes numériques sciences humaines (OMNSH), qu’il a fondé. Cela donne également une utilisation intéressante des Sims. Un jeu en apparence sans enjeu, donc sans nécessité de résultat, de domination. Michael Stora, dans un cadre extrêmement précis (il ne s’agit en aucun cas de les laisser devant l’écran durant des heures, ici, une histoire est proposée au personnage, et le temps est imparti), va laisser les actes des enfants s’exprimer bien mieux que des mots. Au micro de 01Net, il explique : “Ici, le Sim commence enfant, avec une maman qui le néglige et qu'il faut quitter. Or les cas de pathologie limite sont souvent associés à des mères dépressives”. De même, il insiste sur le fait que “les enfants vont mettre en avant un certain sadisme. Qui est naturel, on sait bien que les enfants sont tout sauf sages comme des images. Idem pour l'addiction, où le jeu vidéo vient avant tout révéler une structure obsessive de certains joueurs”.
C’est un fait, Michael Stora est en avance sur son temps, tout du moins sur son pays. Si de plus en plus de chercheurs s'intéressent aux jeux vidéo, du côté de la psychologie, l’écrit continue à faire de la résistance, et les images sont toujours vues avec méfiance. Celui qui a commencé par une formation de cinéaste ne peut que connaître, lui, le pouvoir de l’image. Il s’en sert donc pour venir en aide aux enfants souffrant de troubles psychiques. Surtout, son travail questionne, sans cesse, le lien interactif de l’homme à l’ordinateur, et ses conséquences sur les processus mentaux. Positives, comme négatives.