Chaque saison, les notes des joueurs sur FIFA font débat, tant dans le milieu professionnel qu’au sein de la communauté. Mais comment les performances sont-elles évaluées par EA Sports ? Et surtout, par qui ? Éléments de réponse.
Dans le monde merveilleux du football, certains événements se reproduisent chaque saison : Neymar se casse un truc, Ousmane Dembélé sèche l’entrainement pour jouer à la console, le FC Metz fait l’ascenseur entre la L1 et la L2 et Giroud enchaîne les pions en sélection alors qu’il porte les bouteilles en club. Mais le véritable running gag se déroule en septembre, avant la sortie du nouvel opus de FIFA. Sur Twitter, de nombreux joueurs protestent, que dis-je s’insurgent contre l’éditeur en découvrant leurs statistiques ingame. En toute objectivité, bien sûr. En 2017, Benjamin Mendy s’était demandée si « EA avait une télé » en découvrant qu’il était noté 78. Cette année, c’est Jadon Sancho, jeune ailier anglais du Borussia Dortmund, qui s’interrogeait sur sa note en passes. Sans doute à raison, puisqu’il a délivré douze passes décisives en Bundesliga la saison dernière. Mais les voies d’EA Sports sont impénétrables, Jadon.
Plutôt que de prouver par A+B aux concernés qu’ils se trompent manifestement sur eux-mêmes, EA Sports a fait des notes un argument marketing. En septembre 2018, l’éditeur dévoile une vidéo promotionnelle où Kevin de Bruyne, milieu offensif de Manchester City, se transforme en délégué CGT et ordonne une réforme du système de notation de FIFA, qui ne satisfait visiblement personne. Pas même Cristiano Ronaldo, qui estime mériter la note maximale. Outre son côté rigolo, cette publicité traduit une véritable interrogation chez les joueurs. Le genre de question qu’on se pose en découvrant une note qui nous parait anormalement élevée ou basse : mais comment sont-elles calculées ? Et par qui, bordel ?
La base de données d’EA est alimentée par des bénévoles…
Dans l’organigramme d’EA Sports, les juges du monde du ballon rond sont divisés en deux catégories. Commençons par le premier maillon de la chaîne alimentaire : les « data reviewers ». Ils seraient plus de 8000 à évaluer les caractéristiques de chaque joueur aux quatre coins du globe, sur la base du volontariat. Chaque année, EA recrute ses scouts sur les réseaux sociaux ou via son site dédié. Dans le tas, on retrouve d’anciens joueurs professionnels, coachs ou analystes mais surtout des « abonnés au stade » comme le rappelle ESPN. En gros : des types qui connaissent parfaitement leur club de cœur et peuvent mater de nombreux matchs sur place. Et c’est bien utile pour évaluer les performances d’un défenseur inconnu qui végète dans un club de quatrième division anglaise. Le job de ces bénévoles est chronophage mais relativement simple : noter chaque joueur d’un club (ou d’une division) en évaluant plusieurs dizaines de caractéristiques comme la vitesse, la force ou la technique. Leurs conclusions sont ensuite publiées sur une base de données dédiée.
…puis corrigée en interne
Là, si vous avez bien suivi, vous avez identifié la première faille du système d’EA Sports : comment des types qui ne s’y connaissent pas forcément plus que vous ou moi peuvent juger objectivement les performances d’un joueur ? C’est ici que l’éditeur de FIFA intervient avec ses « data editors » : des employés de la firme chargés d’ajuster - et éventuellement modifier - les premières données récoltés. Ils seraient plus de 200 à travailler pour EA Sports, dont une dizaine en France. « Plusieurs personnes sont chargées d’ajuster les notes selon les championnats en les descendant ou en les augmentant » expliquait Valentin Deveau, journaliste chez jeuxvideo.com, au quotidien Sud Ouest en 2017. « Il y a quelqu’un qui harmonise au niveau des championnats, un autre au niveau continental puis encore un autre pour synchroniser le tout. » Car oui, le niveau global du championnat donne une indication sur les notes des joueurs. Et c’est logique : la note d’un titulaire en Ligue 1 Conforama doit surpasser celle d’un indéboulonnable de Domino’s Ligue 2, sauf dans certains cas. « Si Messi jouait dans le championnat irlandais, ses statistiques baisseraient car il ne joue plus au plus-haut niveau » explique Michael Mueller-Moehring, l’homme qui chapeautait le système de notations sur FIFA 17. Ce qui n’empêche pas les couacs sur certains cas. Pour une raison simple : certains attributs, comme la vitesse, sont difficiles à évaluer avec précision. « Il y a des joueurs puissants et rapides dans toutes les ligues professionnelles du monde » rappelle Michael Mueller-Moehring. Et c’est pour cette raison qu’il est impossible de dénicher un type ayant 96 en accélération en première division australienne. Sauf peut-être Usain Bolt, s’il avait vraiment fait carrière.
L’équilibrage, le nerf de la guerre
La dernière étape du processus est aussi gérée en interne, quelques semaines avant la sortie du nouvel opus : l’équilibrage. Notamment sur certains joueurs qui peuvent poser problème. Michael Mueller-Moehring prend l’exemple de Thomas Müller qui, selon lui, n’excelle pas particulièrement dans un compartiment du jeu en dehors de son positionnement. Mais qui a indéniablement beaucoup d’impact à chaque match. « Si vous évaluez Thomas Müller correctement, il se retrouve avec une évaluation qui, selon nous, n'a pas de sens. C'est trop bas. » De fait, EA Sports se réserve le droit de booster la note finale, pour refléter au mieux la réalité. Ce travail d’ajustement est également effectué toute l’année, surtout sur les pépites qui progressent à vitesse grand V. Pensez Jadon Sancho (encore lui) ou Kylian Mbappé, qui a pris une dizaine de points en l’espace d’une saison quand il évoluait à l’AS Monaco. Vous l’aurez compris : même si le système d’EA est carré et bien huilé, le débat reviendra inlassablement sur la table. En même temps, qui a déjà été heureux de recevoir son bulletin de notes ?