Inventée par deux étudiants qui mourraient d’ennui, la série South Park a une genèse aussi folle que l’esprit qu’elle dégage.
Trey Parker et Matt Stone se rencontrent en classe de cinéma à l'Université du Colorado en 1992. Bien que les cours de cinéma puissent sembler passionnants pour enregistrer des séquences expérimentales, ils impliquent en fait une tonne d’heures à se tenir debout sur le plateau de tournage d'autres élèves. Ça a l’air chiant comme ça mais parfois, l’ennui, ça peut servir. Alors qu'ils bossent sur l'éclairage ou le son des films des autres élèves, Parker et Stone s’amusent à faire des voix idiotes. Les deux étudiants s’entendent bien, et constatent rapidement qu’ils ont le même sens de l’humour. Dans une interview pour l’Entertainment Weekly , Parker se souvient : "On parlait toujours comme des petits enfants et on se faisait beaucoup rire." Les deux camarades s’amusent pendant un an avec leurs imitations avant de se lancer, pour de bon.
Jesus vs. Frosty à l’origine de tout
À l’école, Trey Parker marque rapidement les esprits avec une courte présentation intitulée "American History". Bien que la qualité du film ne soit pas folle, on y retrouve déjà le style exploité par Parker dans la série de Comedy Central. Le court-métrage est une vision satirique de l'histoire des Etats-Unis, qui s’étale sur plus de 300 ans. La caricature remporte un prix étudiant à l'Université du Colorado en 1992 et sert de base au film de fin d’année qu’ils doivent pondre pour l’école. Les deux hommes optent pour la thématique de Noël et accouchent de Jesus vs. Frosty. Comme son nom l’indique, le court métrage met en vedette un Frosty, un vilain tueur d’enfants et Jesus, tentant de sauver le monde en jetant son auréole. En fin de compte, les deux enfants qui survivent apprennent que Noël n'est pas vraiment l'histoire de Frosty ou de Jesus. Mais plutôt une histoire de cadeau.
Les personnages ne sont pas tous nommés, mais ressemblent déjà étrangement à Kyle, Kenny, Stan et Cartman. Le gimmick "Oh mon Dieu, Frosty a tué Kenny !" est déjà là, lui aussi, même si à l'époque, les rôles de Cartman et Kenny sont inversés. Lors de la première projection, le public devient fou, choqué de voir des enfants jurer toutes les deux secondes ou que des emblèmes de Noël s’adonnent au meurtre. Mais comme le public est majoritairement étudiant, le court-métrage fait son effet.
George Clooney sort la série de l’anonymat
Comme la plupart des cinéastes récemment diplômés, Trey Parker et Matt Stone sont complètement fauchés et galèrent à lancer leur carrière. Mais, coup de chance : Brian Graden, qui bosse pour la Fox, leur donne 1 200 $ pour concevoir une carte de Noël en vidéo, basée sur Jesus vs. Frosty. À l’époque, l’homme ignore que la vidéo sortira de son cercle d’amis. Intitulé « The Spirit of Christmas », le court-métrage convainc Graden, qui copie la cassette et l’envoie à des dizaines de potes. Un certain George Clooney a même fini par mettre la main dessus.
C’est la productrice exécutive de South Park, Anne Garefino, qui raconte cet épisode dans une interview au Hollywood Reporter : "Avant même que nous ayons commencé à travailler sur la série, le fait que George Clooney ait fait des centaines de copies VHS de The Spirit of Christmas et les ait envoyées à tous ses amis faisait déjà partie de son histoire". Sans Clooney et ses cassettes, South Park n'aurait peut-être jamais vu le jour, donc. À partir de là, Matt Stone et Trey Parker reçoivent beaucoup d'offres. Ils enchainent les rendez-vous, mais presque tous les studios flippent de diffuser un contenu si borderline à l'antenne. Parker se souvient de leur argumentaire : "Ça ne marchera jamais parce que les adultes ne veulent pas regarder une émission sur les enfants. Ils veulent regarder une émission sur une famille.". MTV et d'autres studios les rejettent. Quand Graden présente le pitch à son propre réseau, la Fox, ils n'y voient aucun intérêt, ce qui l’incitera à quitter la boîte. Heureusement, Comedy Central n'a pas peur et commande un pilote.
Même Comedy Central doutait
Parker et Stone réussissent à donner vie à South Park, enfin. Et conservent le même humour pour le pilote, baptisé "Cartman a une sonde anale." Seul problème : Doug Herzog, président de Comedy Central à l'époque, n’est pas vraiment convaincu. Dans les groupes de discussions, où les gens évaluent l'émission sur une échelle de 1 à 10, le pilote obtient rarement au-dessus de 3. Trois personnes déclarent même avoir pleuré, troublées par les punchlines des enfants. Heureusement, Comedy Central ne jette pas l’éponge et demande quelques modifications avant de finalement diffuser l’épisode. Pour une raison simple : la chaîne est en difficulté et sait que le pilote attirera l’attention. Dans l’interview accordée à Entertainment Weekly, Herzog raconte qu’il était tellement nerveux qu’il s’est « précipité au lit la nuit avant de le mettre à l'antenne, en sueur froide. Je me suis dit : "Attendez, je peux me faire arrêter pour ça ? Est-ce légal ?" . On imagine qu’aujourd’hui, ses nuits sont bien plus calmes.