En 1998, Nicolas Cage est choisi par Tim Burton pour jouer Clark Kent dans Superman Lives. Mais le film est annulé avant le début du tournage par Warner Bros, qui craint de faire un flop au box-office.
« Le monde de la réalité a ses limites, le monde de l'imagination est sans frontières » disait Rousseau. S’il y a bien une personne qui partage cette philosophie, quitte à en abuser, c’est Nicolas Cage. Depuis la fin des nineties, l’acteur invoque ce fameux « pouvoir de l’imagination » à chaque fois qu’on lui évoque ce souvenir douloureux : l’époque où il avait été choisi pour camper le rôle de Superman. C’était en 1998, et Nicolas Cage devait incarner Clark Kent dans « Superman Lives ». Un long-métrage, produit par Warner Bros et réalisé par Tim Burton, qui devait, selon lui, marquer l’histoire du cinéma. « Je peux vous dire que le film que Tim et moi avions prévu, dans l’imagination collective, est plus puissant que n’importe quel autre Superman » rappelle l’interprète de Benjamin Gates lors d’une interview accordée à Entertainment Weekly. « Je n’ai même pas eu à faire le film, nous savons tous ce qu’il aurait donné dans votre imagination. C’est LE Superman, c’est LE film. Même si vous ne l’avez jamais vu, c’est LE Superman ». Mais alors, pourquoi ce film - qui a coûté plusieurs millions de dollars à Warner Bros - a été enterré avant le début du tournage ? Et nourrit, depuis, de nombreux fantasmes ? Éléments de réponse.
La mort de Superman
Tim Burton, lui aussi, évoque rarement ce projet avorté, qu’il juge douloureux et traumatisant. « Je pense qu’on ne s’en remet jamais vraiment » lâche-t-il au Huffington Post . « En même temps, on ne le regrette pas. On se dit qu’il y a une raison pour laquelle ça ne s’est pas fait (…) C’était vraiment douloureux. Il faut du temps pour s'en remettre, c'est sûr. Ça reste en vous, d’une certaine manière. »
Pourtant, les ingrédients étaient réunis pour faire un carton au box-office. Le film, baptisé « Superman Lives », se base sur « The Death of Superman », une série de comics publiés entre 1992 et 1993. Les numéros, qui couvrent la mort du super-héros et sa résurrection, se sont écoulés à plusieurs millions d’exemplaires aux quatre coins du globes. Flairant le bon coup, Jon Peters (le producteur du Batman de Tim Burton, ndlr) rachète les droits et signe un accord avec Warner Bros pour l’adapter sur grand écran. Pendant plusieurs années, le script - qui passe de main en main - ne satisfait pas Jon Peters. Jusqu’à ce qu’il confie les rênes du projet à Tim Burton. Le père d’Edward aux mains d’argent a une vision bien personnelle du super-héros, qu’il envisage comme un nerd ayant du mal à s’intégrer dans la société. Dans l’esprit du réalisateur, « Superman était un gamin régulièrement moqué » explique Jon Schnepp , l’homme qui a réalisé « The Death of Superman Lives: What Happened? », un documentaire retraçant ce naufrage cinématographique. « Mais il a poussé le concept à l’extrême, en le mettant dans la peau d’un alien venant d’une autre planète. On retrouve régulièrement cette notion dans les films de Tim Burton. Il a dit : ‘J’ai toujours eu l’impression d’être un extraterrestre, ayant grandi à Burbank. » Selon Jon Schnepp, cette manière d’envisager Superman, bien qu’ayant suscité la controverse, représente parfaitement la personnalité introvertie de Clark Kent, rarement traitée jusqu’ici : « Il se cache plus que n’importe quel super-héros » précise-t-il. « Clark Kent cache le fait qu'il est un super-héros, Superman cache le fait qu'il est un alien. Il a l'impression d'être seul dans la société et de ne pas s'intégrer. »
L'homme de la situation ?
Pour apporter cette nouvelle dimension - presque fragile - au personnage, Tim Burton pense à Nicolas Cage. À l’époque, l’acteur est au sommet de sa carrière. En 1995, il a décroché l’Oscar pour son interprétation d’un alcoolique suicidaire dans Leaving Las Vegas et enchaine, depuis, les films d’action à gros budget comme Volte-face ou Rock. Pour Jon Schnepp, qui n’a pas réussi à l’interviewer pour son documentaire, ça ne fait aucun doute : Nicolas Cage était l’homme de la situation. Même s’il reconnait que ce choix était contesté par les fans historiques. Comme ce fut le cas pour Michael Keaton dans Batman. « Pendant plusieurs années, Superman Lives a été décrié et abordé de manière très péjorative » raconte-t-il lors d’une interview à ABC News . « Le sentiment qui dominait à l’époque était : ‘on a évité le pire’. »
Un sentiment partagé par Warner Bros, embourbé dans un projet qui lui échappe complètement. Considérant le film trop coûteux à produire, le studio (qui a déjà investi plus de 10 millions de dollars, ndlr) renonce, craignant de connaître un autre échec commercial retentissant, après Sphère et The Postman. Les 170 millions de dollars prévus pour le film seront finalement investis dans Wild Wild West, pour une raison restée inconnue. « Warner Bros a peut-être eu peur parce qu'ils avaient deux artistes qui n'avaient pas peur de prendre des risques » juge l’acteur. Vingt ans après, le fantôme de « Superman Lives » hante toujours Nicolas Cage. Mais ce projet avorté lui a attiré la sympathie des fans. En 2018, de nombreuses personnes se sont mobilisées sur les réseaux sociaux pour que le rôle, qu’on disait abandonné par Henry Cavill (Man of Steel, Batman vs. Superman), lui soit attribué. « Je pense que ma période Superman est derrière-moi » précise-t-il au Guardian . En rappelant, au passage, qu’il peut toujours incarner Lex Luthor. Qui ne tente rien n’a rien.