Avec sa forme si particulière et ses symboles, la manette PlayStation a participé à créer l’identité de la console de Sony. Pourtant, sa phase de conception n'a pas été pas de tout repos pour les employés de la firme.
Il y a 25 ans, le 4 décembre 1994, Sony entre avec fracas sur le marché du jeu vidéo en commercialisant, au Japon, la PlayStation. Une console devenue iconique qui s’écoule, en l’espace de dix ans, à plus de 100 millions d’exemplaires, faisant d’elle la console de salon la plus vendue de l’histoire (à l’époque, ndlr) et aussi la première à dépasser cette barre symbolique. Mais si Sony a conquis si rapidement ce marché, c’est parce que le produit se démarque aussi bien par sa qualité que par sa forme révolutionnaire. Notamment grâce à sa manette qui, avec deux poignées, quatre symboles et un design avant-gardiste marque plusieurs générations de joueurs.
Une entrevue secrète
Mais pour Sony, tout n’a pas été si simple. Selon Ken Kutaragi (père de la PlayStation et PDG de Sony Computer Entertainment de 1997 à 2007, ndlr), la conception de la manette fut un véritable casse-tête pour les ingénieurs de la firme. « Nous avons probablement passé autant de temps sur le développement du joypad que sur le corps de la machine. » rembobine-t-il dans les colonnes de NEXT Generation. « Le patron de Sony tenait à ce que la version finale soit peaufinée. » Si Norio Ohga (président de Sony à l’époque, ndlr) se montre aussi exigeant, c’est parce qu’il a conscience que pour titiller Sega et Nintendo sur leur terrain, il faut se montrer inventif. Et aussi parce qu’il a été convaincu par un prototype qui lui a été présenté en cachette par Teiyu Goto, l’homme en charge du dossier.
Le coup de sang du président
Cet épisode, le designer le relate lors d’une interview accordée à Famitsu. À l’époque, ses supérieurs souhaitent que la manette soit plate et se rapproche du modèle SNES. Mais Teiyu Goto est borné, et imagine un pad disposant de deux poignées qu’il présente secrètement au président de Sony. Oui mais voilà : Ken Kutaragi, qui n’a visiblement pas eu connaissance de cette entrevue, reste convaincu que l’orientation prise par son collaborateur n’est pas la bonne et lui demande de revenir à un design plus classique. Une décision qui déclenchera, quelques semaines plus tard, la fureur du président de Sony lors d’une réunion : « Ce n’est pas bon ! Changez-moi ça ! Qu’est-ce qui n’allait pas avec la manette que vous m’aviez présentée ? » aurait-t-il hurlé ce jour-là, d’après Jeux Vidéo Magazine. La légende raconte que Norio Ohga aurait même balancé la manette incriminée à travers la pièce, mettant définitivement un terme au débat.
Des symboles qui représentent PlayStation
La forme du prototype n’est pas la seule idée originale de Teiyu Goto. Il se démarque aussi par ses symboles, qui remplacent les chiffres et les lettres généralement assignés aux boutons. Le designer opte pour la croix, le carré, le cercle et le triangle pour des raisons précises. « Nous voulions créer quelque chose de simple à retenir, c'est pourquoi nous avons choisi des symboles » explique-t-il à Famitsu. « J’ai donné à chaque symbole une signification et une couleur. » Il poursuit : « Le triangle fait référence au point de vue. Il représente la direction et je l’ai fait en vert. Le carré fait référence à une feuille de papier, il représente les menus et les documents et je l’ai fait en rose. Le rond et la croix représente « oui » et « non » et je les ai fait respectivement en rouge et bleu. »
Depuis 25 ans, le design de la manette a évolué (notamment avec l’ajout des sticks analogiques dès la commercialisation de la première version Dualshock) mais son concept, lui, reste inchangé. Selon son créateur, il fait partie intégrante de l’héritage de la marque PlayStation, qui traverse les âges et les générations. « Quand vous pensez à la représentation de la Madone en peinture, la plupart des gens pensent à la même image et à la même femme » explique-t-il. « De la même manière, la combinaison de ces symboles représente à la fois PlayStation et le plaisir des jeux vidéo. Pouvoir communiquer cela, c’est incroyable. »