En ce moment, les fans de Frank Herbert ont le nez plein d’épice : deux excellents films de qualité sont sortis, ils peuvent jouer à Dune: Spice Wars, Dune: Awakening sortira l’année prochaine, et dès maintenant, il peuvent binger Dune: Prophecy sur HBO. Mais avant ça, tout n’a pas été rose pour la franchise. Explications.
Pour Dune, série de romans cultissimes écrit par Frank Herbert sortis à partir de 1965, l’adaptation au grand écran n’a pas été de tout repos. En 1984, le Dune de David Lynch a proposé une lecture assez extravagante de l’œuvre originelle, avec notamment Sting en string, et un baron harkonnen pustuleux et dégoulinant de cambouis amateur de pince tétons… oui, ça a plutôt mal vieilli. Mais avant même la sortie de ce film à gros budget, la franchise devait débarquer sur grand écran via une adaptation signée Alejandro Jodorowsky, un réalisateur franco-chilien. En préambule d’un plongeon dans ce qui se rapproche très fort d’un grand n’importe quoi, on va quand même profiter de la bande-annonce de Dune: Prophecy, série HBO tirée des films de Denis Villeneuve.
Un projet plus ambitieux que Star Citizen
Dans les années 70, l’artiste sort El Topo et La Montagne sacrée. Deux films assez mystiques qui plaisent beaucoup à notamment John Lennon, Andy Warhol et Allen Klein, le manager des Beatles qui le produira ensuite. Trois ans plus tard, Jodorowksy parvient à obtenir le droit d’adapter la série de romans de Frank Herbert et se met au travail. Prêt à tout pour le film, fan de ce qui touche au métaphysique, le psychédélique (et peut-être aussi un peu au LSD), il entre en contact avec Peter Gabriel, puis Pink Floyd pour composer la musique du film. Attention, si tu es habitué aux productions actuelles et à leur format, il faut te défaire tout de suite de cette idée. Le script qu’il rédige, apparemment gigantesque, correspondait à l’époque à un (très) long métrage de 14 heures…
Il faut aussi remettre les choses dans leur contexte, 1973, c’est seulement 5 ans après mai 68 et 2001, l’Odyssée de l’espace, 4 ans après Woodstock, on nage en pleine libération du corps, mais aussi de l’esprit. Il faut ouvrir ses chakras, et embrasser tout ce qui ressemble de près ou de loin à un mandala. Bref, le mouvement hippie est encore bien présent.
Du coup, cela se retranscrit également dans certains dessins qui ont été conservés et qui devaient servir pour le film. On ne va même pas tenter de deviner à quelle famille aurait dû appartenir ce vaisseau, mais c’est un peu coloré.
Pour imaginer l’univers et les différentes factions, le réalisateur a fait appel à des dessinateurs tels que Jean Giraud, aussi connu sous le nom de Mœbius (Blueberry), qui travaillera plus tard avec H.R Giger sur un petit projet du nom d’Alien.
Un casting XXL
Côté acteurs, encore une fois, Jodorowsky n’y est pas allé de main morte : David Carradine, Orson Welles, Amanda Lear, Mick Jagger, Alain Delon et… Salvador Dalí. Tu t’en doutes, le peintre catalan (et ce n’était pas le seul) avait de petites attentes en termes de cachet, il voulait tout simplement être l’acteur le mieux payé de tous les temps, à 100 000 dollars de l’heure. Le réalisateur lui a donné le feu vert, et en a profité pour couper le script à la hache, histoire que le personnage incarné par Dalí n’apparaisse pas plus d’une heure. Pas bête, mais loin d’être suffisant tant le budget prenait des allures d’Himalaya gonflable.
Pour compléter le cast, notre ami a décidé que son fiston incarnerait Paul Atréides à l’écran. Aujourd’hui, on parle souvent de népotisme, surtout dans le 7e art. Pour le coup, le fiston n’avait rien demandé. Son père avait choisi de le faire s’entraîner, exactement comme Paul Atréides avait été entraîné par son père. Dès ses 12 ans, il s’est vu obligé de prendre des leçons de karaté et de jiu-jitsu après les cours. Mais attention, on parle ici de 6 heures par jour, sept jours sur sept, pendant deux ans… loin de nous l’idée d’exprimer un jugement de valeur, mais avoir une vie, c’est pas mal.
Finalement, après de multiples mois de tractations, les producteurs finissent par fermer les vannes, et le projet est abandonné. Pour en apprendre plus, on vous conseille fortement l’excellent documentaire Jodorowsky’s Dune. Mais pour ce qui est de profiter de l’œuvre de Frank Herbert à l’écran, tournez-vous vers Dune: Prophecy.