Lost, The Leftovers, Watchmen : ces trois séries ont un point commun : Damon Lindelof. Un scénariste et producteur souvent décrié mais pourtant pétri de talent.
L’histoire de Damon Lindelof s’apparente à un grand huit, constitué de boucles et de descentes abruptes. Depuis ses débuts dans l’industrie, l’Américain a le don de ne laisser personne insensible et de susciter des réactions, positives ou négatives. C’était déjà le cas en 1999. À l’époque, Damon Lindelof quitte le New Jersey - après avoir décroché son diplôme en cinéma à l’Université de New York - pour s’installer à Los Angeles. Là-bas, il intègre l’équipe de scénaristes de la quatrième saison d’Undressed (« À poil ! » pour la version française), une sitcom diffusée sur MTV qui aborde des thématiques difficiles comme la sexualité. L’homme se fait la main, acquiert de l’expérience, puis enchaine avec d’autres projets mineurs avant de s’attaquer à la première grande œuvre de sa vie, en 2004 : « Lost : Les Disparus ».
Lost & The Leftovers
Certaines rencontres changent des vies. Celle entre Damon Lindelof et J. J. Abrams ne fait pas exception. Épaulé par une pointure du milieu, le scénariste se fait connaitre dans le monde entier grâce à l’histoire du mystérieux vol 815. Le show fait sensation et Lindelof remporte un Emmy Award et le Writer Guild Award de la meilleure série dramatique. Les critiques sont dithyrambiques et pendant plusieurs années, les fans n’attendent que de découvrir son dénouement. En 2010, Barack Obama n’hésite pas à décaler un discours officiel pour ne pas interférer avec la diffusion du premier épisode de l’ultime saison, conscient de ne pas faire le poids face à une série suivie par plusieurs millions d’américains.
Le dénouement de Lost : Les Disparus est vécu comme une véritable désillusion par les fans. L’idée des différentes réalités alternatives imaginée par Lindelof est rejetée en bloc. Les fidèles se sentent lésés et les équipes sont conspuées, noyées dans un torrent de haine comme l’on en retrouve régulièrement sur les réseaux sociaux. Mais il en faut plus pour impressionner le génial scénariste.
Prisonnier d’années passées à justifier ses choix, Lindelof garde tout de même son appétence à la création. Il participe à la production de quelques longs-métrages (Prometheus, Star Trek Into Darkness…) puis se penche sur un nouveau dossier : The Leftovers. Pour lui, c’est la série de la confirmation et l’occasion d’exorciser ses vieux démons. The Leftovers est une fiction fantastique où 2% de la population d’un petit village américain disparait subitement. Trois saisons plus tard, on ne sait toujours pas ce que sont devenues ces personnes. Et vous savez quoi ? On ne le saura probablement jamais. Tout simplement parce que Damon Lindelof est, selon lui : « surtout fasciné par l'ambiguïté et les mystères irrésolus. Je me suis résigné à traverser ma vie sans avoir la réponse à la question la plus fondamentale : quel était l'intérêt de tout ça ? Cet état d'esprit se reflète dans mes histoires car je trouve toujours plus intéressant de ne pas donner toutes les clés. C'est frustrant pour le public ou les personnages. D'ailleurs, je me suis déjà brûlé les ailes avec cet exercice. » Et de bien belle manière.
Son idéologie au service de sa création
The Leftovers est une sacrée réussite pour Lindelof. La série est acclamée par la critique tant par son concept que par les réflexions existentielles qu’elle laisse au spectateur. Un sens du détail et du questionnement qui le suit jusqu’à sa dernière œuvre en date : Watchmen. Déjà, reprendre l’œuvre d’Alan Moore n’est pas chose aisée. Mais Lindelof a en plus choisi de la décliner en série, dans le monde moderne, et d’en proposer sa propre interprétation comme il l’explique à un journaliste d’Allociné : « Dans une série traditionnelle de super-héros, on aurait les bons se débarrassant des méchants. Mais avec Watchmen, je voulais montrer que l’on ne se débarrasse pas aussi facilement du racisme et des suprémacistes. Nous vivons véritablement à une époque de chaos et cela va nous prendre du temps pour nous en remettre… si l’on peut s’en remettre. »
Voilà qui caractérise bien le personnage, toujours prêt à casser les codes, malgré les conséquences. Sa vision, qu’on la partage ou non, est d’une efficacité redoutable tant elle s’avère clivante. Et si cela lui permet de nous pondre des petites pépites comme Watchmen, qu’il ne change rien.