En 1999, Crytek présente X-Isle : Dinosaur Island. Une démo qui, à l’époque, en fout plein la vue à l’industrie et séduit Ubisoft. C’est la naissance de Far Cry, qui va connaitre un succès mouvementé.
Los Angeles, mai 1999. Deux données qui resteront gravés dans la mémoire des frères Yerli. Cevat, Avni et Faruk sont les créateurs de Crytek, une entreprise de développement avec de la suite dans les idées. Si les trois frères sont en Californie, c’est pour participer à l’E3. Et on peut dire qu’ils n’arrivent pas les mains vides. Nos trois mousquetaires sont là pour présenter une démo qui traine dans les cartons et, accessoirement, tisser des liens avec le milieu. La démo en question ? X-Isle : Dinosaur Island, qui nous envoie sur une île déserte, blindée de dinosaures, et disposant d’une faune riche et détaillée pour l’époque. La démo finit d’ailleurs entre les mains de Nvidia, qui s’en sert comme outil de benchmarking. Mais le véritable bénéfice de cette diffusion se trouve ailleurs. Ubisoft est sur place, et reste scotché devant ces deux minutes d’images. La machine est lancée, et le destin de Crytek chamboulé. Pour un temps.
Ubisoft sous le charme
Impressionnés, les gars d’Ubisoft contactent la petite firme allemande. Le géant souhaite éditer un jeu qui se déroulerait dans l’univers de la démo. Comment et sous quelle forme, cela reste encore à définir. En tout cas, cette approche séduit les équipes de Crytek, qui y voient l’opportunité de faire décoller leur business. La relation entre les deux parties démarre bien : Crytek abandonne un projet de jeu dans l’univers cyberpunk, et s’attèle au développement d’un moteur neuf. Une tâche chronophage, mais qui débouche sur la création du CryEngine. Comme prévu, Ubisoft obtient ce qu’il veut. Reste à tester les capacités de la bête, et définir le genre du futur titre. Une réflexion qui a le temps de faire son chemin, puisque le premier opus de Far Cry n’arrive que cinq ans plus tard, en 2004.
On découvre alors un jeu de tir à la première personne (ce qui est plutôt inattendu) qui nous plonge au beau milieu d’une île paradisiaque et verdoyante à souhait. Pour la faire courte, le joueur incarne Jack Carver, un homme isolé sur une île du Pacifique. Gérant d’un bureau de location de bateau, notre personnage se fait attaquer en mer alors qu’il est avec une cliente. Il se retrouve alors seul, avec un simple téléphone et un pistolet, à la recherche des mercenaires responsables de l’attaque. Vous l’aurez compris : le scénario ne révolutionne pas le genre. Mais l’enjeu n’est pas là pour le duo Crytek - Ubisoft qui se concentre plutôt sur le rendu de ce nouvel univers, aussi bien graphiquement que dans le gameplay. Et devinez quoi ? Le jeu fait mouche. En moins de quatre mois, le titre s’écoule à plus de 730 000 exemplaires. Un exploit, car Far Cry n’est sorti que sur PC. Imaginez si les générations de consoles de l’époque étaient prêtes à l’accueillir.
Une séparation vécue comme une trahison
Après un tel démarrage, on peut penser que l’idylle est parfaite entre les deux groupes. Ubisoft a su mettre en avant les talents de Crytek qui n’a, de son côté, pas déçu. On pense que l’association va durer, qu’elle est prometteuse. Raté. Quelques mois après la sortie du jeu, Crytek signe un accord d'exclusivité avec Electronic Arts, pour l'édition de toutes ses futures productions. L’un des plus gros concurrents d’Ubisoft, donc. Le couteau est profondément planté dans le dos de l’éditeur, qui mettra deux ans à réagir. Comment ? En rachetant carrément la licence Far Cry à Crytek en 2006, tout en récupérant le moteur CryEngine au passage. La licence prend un nouveau départ.
Un nouveau chapitre s’ouvre avec le projet Far Cry 2, développé par Ubisoft Montreal. Pas sur le CryEngine, fraîchement récupéré, mais plutôt sur le Dunia Engine qui est beaucoup moins gourmand. Le titre nous envoie en Afrique, à la poursuite d’un tyran, et nous fait découvrir une nouvelle fonctionnalité : le multijoueur. La feature permet de toucher un public plus large et, sans surprise, le jeu est un carton : un million de ventes en moins de trois semaines. Pourtant, le véritable boom n’a pas lieu sur ce deuxième opus. Les chiffres de ventes sont très bons mais peuvent être encore meilleurs, et surtout, la série ne s’est pas vraiment imposée dans le groupe des incontournables. Le troisième volet va permettre de s’en approcher.
Dans la cour des grands
Sur Far Cry 3, l’accent est mis sur le storytelling. Les joueurs découvrent le déjanté Vaas, un
personnage ayant grandement contribué à la réussite du titre, autant critique que commerciale.
Ubisoft obtient alors ce qu’il cherchait, son bébé est entré dans la cour des grands, des
blockbusters, des Triple-A. Avec cette nouvelle attente, ainsi qu’un budget revu à la hausse,
Ubisoft se doit de répondre présent et accélère son rythme de sortie. Entre Far Cry 3 sorti en
2012 et aujourd’hui, pas moins de cinq titres ont été commercialisés.
Bien sûr, nous avons pu découvrir les volets 4 et 5, mais également des épisodes spin-off
comme Far Cry Primal, ou encore le tout récent Far Cry : New Dawn. Cette productivité est
plutôt bien reçue par les joueurs. Les titres se vendent sans soucis, et Ubisoft a réussi son pari
d’installer sa série comme la référence des FPS en monde ouvert. Avec ou sans Crytek.