Le parcours du studio à l’origine de The Outer Worlds, disponible depuis le 25 octobre, n’a pas toujours été tranquille. En 2012, Obsidian Entertainment a failli mettre la clé sous la porte avant d’être sauvé par Pillars of Eternity, un projet ayant récolté plus de 4 millions de dollars sur Kickstarter.
« On voyait des douzaines de personnes vider leurs bureaux. Des personnes qui ont travaillé ici pendant des années ». Josh Swayer le sait : il a frôlé la catastrophe. Dans la première partie du documentaire « Road to Eternity », diffusé gratuitement sur Youtube, le game designer historique d’Obsidian Entertainment revient sur une période douloureuse. L’époque où le studio a frôlé la faillite, suite à un mauvais concours de circonstances, avant de s’émanciper.
Né sur les cendres de Black Isle Studios
Fondé en 2003 par d’anciens employés de Black Isle Studios, qui avaient notamment travaillé sur Baldur’s Gate, Fallout ou Icewind Dale, Obsidian Entertainment a quelques cartes en main pour convaincre les mastodontes du milieu. Dès l’hiver 2003, les fondateurs décrochent un premier contrat auprès de LucasArts, pour concevoir un RPG se basant l’univers de Star Wars. Ce qui deviendra, en 2004, Star Wars Knights of the Old Republic II : The Sith Lords. Un titre relativement bien accueilli par la critique et le public, suffisant pour lancer la machine et recruter des collaborateurs. En 2005, une cinquantaine d’employés bossent au siège d’Irvine, en Californie.
Une longue descente aux enfers
Pour le studio, qui continue sa montée en puissance avec Neverwinter Nights 2, la galère commence au début de la dernière décennie. En 2010, Alpha Protocol, action-RPG repoussé à plusieurs reprises et ayant mobilisé une bonne partie de l’équipe pendant quatre ans, est descendu par la presse. Et pourtant, malgré les mauvaises reviews, Alpha Protocol est considéré par les initiés comme un jeu incompris. Sous-côté, même. Développé pour Sega (qui avait prévu un sequel avant de se rétracter après l’échec du premier volet, ndlr), Alpha Protocol se forge une petite notoriété. « C’est bizarre, d'avoir un jeu qui a été mal reçu par la critique mais qui figure ensuite sur toutes les listes des ’meilleurs jeux auxquels vous n'avez jamais joué’ » admet Feargus Urquhart, le PDG d’Obsidian, à Kotaku. « Et je me demande toujours : est-ce que ça doit me faire plaisir ? ».
L’autre projet d’envergure dévoilé en 2010, Fallout : New Vegas, n’atteint pas non plus ses objectifs. Pour une raison simple : le titre souffre de nombreux bugs graphiques. Dans le contrat, Bethesda prévoyait d’accorder un bonus à son partenaire si la note du jeu dépassait 85/100 sur Metacritic. Raté : Fallout : New Vegas est noté 84/100. Pour Obsidian, c’est un premier coup dur.
Le naufrage Stormlands
En mars 2012, c’est le coup de grâce : Stormlands, un projet de RPG ambitieux développé pour la Xbox One, est annulé par Microsoft. En pleine galère financière, Obsidian Entertainment est contraint de licencier des dizaines d’employés. Au sein du conseil d’administration, on a conscience qu’il sera difficile de rebondir. « Pour nous, c’était doublement mauvais » se remémore Feargus Urquhart dans le documentaire. « Parce que c’était un échec public. »
Un projet pour l’éternité
Conscient qu’il sera difficile, dans ce contexte, de convaincre un éditeur de collaborer avec la boîte, Josh Swayer lâche une idée : et si Obsidian finançait son jeu via Kickstarter ? Nous sommes en mars 2012 et, quelques jours plus tôt, Tim Schafer a collecté plus de 3 millions de dollars sur la plate-forme pour le développement de Broken Age, un jeu d’aventure en point & click. L’idée du game designer est simple : capitaliser sur le CV XXL des employés et sur la nostalgie des joueurs, en proposant le successeur spirituel à Baldur’s Gate. « On s’est dit que quelqu’un allait forcément financer un jeu comme ça sur Kickstarter » explique-t-il à Kotaku. « Il y a assez anciens développeurs de Black Isle et de Bioware (chez Obsidian Entertainement, ndlr). Si on ne le fait pas, on rate une occasion en or. » Au sein du studio, tout le monde n’est pas convaincu. Au terme des négociations, un consensus est trouvé : Josh Sawyer consacre son temps à pitcher des idées de jeux aux éditeurs, pendant qu’Adam Brennecke bosse sur ce RPG à l’ancienne.
Le pitch, baptisé Project Eternity, est présenté sur Kickstarter en septembre 2012 et fait un carton. En quelques heures, le studio collecte 1,1 million de dollars, puis bat temporairement un record sur la plate-forme en récoltant 4 millions de dollars auprès de plus de 70 000 donateurs. « Beaucoup d'entre nous ne s'attendaient pas à être financés, en fait » relate Josh Sawyer. « Nous ne nous attendions certainement pas à être financés en 27 heures. »
« Nous avons toutes les cartes en main »
Pour la première fois, Obsidian Entertainment vole de ses propres ailes et ne dépend plus d’un tiers. Pour les développeurs, le changement est radical. « Avant de faire Pillars of Eternity, tous les jeux sur lesquels on a bossé appartenaient à quelqu'un d'autre, parce que les éditeurs ne veulent pas que vous conserviez les droits. Cela a aussi changé notre façon de penser, en interne, sur les types de jeux sur lesquels on pouvait travailler. » admet Josh Sawyer à PCGamer. « Nous avons toutes les cartes en main » complète Adam Brennecke, l’homme à l’origine du pitch valant 4 millions de dollars.
Sorti en 2015, Pillars of Eternity est un succès public et critique. Le titre récolte 89% d’opinions favorables sur Metacritic, et permet au studio de sortir la tête de l’eau financièrement. Ironie du sort : en novembre 2018, Obsidian Entertainement est racheté par Microsoft. Oui, l’éditeur qui l’avait presque mené à la faillite deux ans plus tôt. Mais dans l’industrie du jeu vidéo, on est pas à une contradiction près.